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ANTONIANO.

romée, neveu de ce pape : il fut secrétaire de ce cardinal pour les dépêches latines ; il le suivit à Milan, et il retourna avec lui à Rome. Il fut choisi pour secrétaire du sacré collége et remplit admirablement les devoirs de cette charge. Il fut admis à la plus étroite confidence de Clément VIII, dont il fit les brefs si éloquemment, que ce pontife n’eut point sujet d’envier à Léon X les Sadolets et les Bembes. Il y faisait entrer avec beaucoup de jugement plusieurs passages de l’Écriture. Il en fut blâmé par un censeur trop rigide, qui dit que cela faisait que certaines lettres du pape sentaient plus le cloître que la cour de Rome, et représentaient plutôt la personne d’un prédicateur que celle d’un souverain pontife. Che perciò, alcuni di loro sapessero più di claustro regolare, che di corte ecclesiastica, e rappresentassero quasi più la persona d’un predicatore, che d’un pontefice [1]. Il se moqua de cette critique, et répondit qu’à juger sainement des choses, il n’y avait pas trop de termes de l’Écriture dans les lettres qu’il composait ; qu’il lui semblait au contraire qu’elles n’en étaient pas assez remplies, vu la qualité de celui qui y parlait, qui est celle de souverain pasteur de l’église, vu aussi que ce n’étaient point des lettres profanes, où le luxe des pensées et des expressions prises de la secrétairerie des souverains temporels se dût répandre : Anzi che a lui pareva, che più tosto mancassero in questa parte, havuto riguardo all’ essere i Brevi Apostolici scritti dal supremo Pastor della Chiesa, e non lettere profane, che havessero a lussureggiare con sensi e parole tratte dalle secretarie de’ principi temporali [2]. Il ajouta que les brefs de Sadolet et ceux de Bembe ne gardaient pas le décorum que la dignité pontificale demandait nécessairement, et qu’il y a quelques brefs, où Bembe, par ses affectations de latinité, passe non-seulement au profane et au temporel, mais aussi au paganisme. Antoniano, dans sa dernière maladie, fut visité par Clément VIII et en reçut la bénédiction apostolique. Il était modeste, d’une conversation agréable et d’une prudence que l’esprit des courtisans n’avait pas gâtée [3]. Il s’était trouvé en plusieurs conclaves et discourait là-dessus avec un plaisir tout particulier, non sans faire de solides réflexions sur la vanité des choses humaines. Les hommes, disait-il, se chargent de mille soins fatigans, pour parvenir à leurs fins ; mais la providence de Dieu fait presque toujours paraître sa supériorité. Per occasione d’essere stato secretario del sacro collegio tant’ anni, s’era trovato egli in molti conclavi, e di quei successi discorreva con gusto particolare, e mostrava specialmente in quanti modi vi si affatticasse l’industria humana, ed in quanti vi apparisse e vi prevalesse ordinariamente la providenza divina [4]. Il voulait dire sans doute, que les intrigues les mieux concertées, et celles qui ont le plus agité l’esprit, tombent par terre dans les conclaves, à cause de certaines conjonctures imprévues. S’il voulait montrer par-là, que les ressorts de la providence se font sentir d’une façon particulière dans les assemblées où les papes sont élus, il se trompait ; car, dans toutes les cours du monde, on peut remarquer que les politiques les plus prudens réussissent ou échouent par je ne sais quelles rencontres fortuites, qui doivent convaincre de la vérité de ce proverbe, l’homme propose, Dieu dispose.

(G) Il fut un des tenans dans la dispute qui s’éleva sur la préséance des patriarches. ] Voici un passage que je tire d’une lettre que le Péranda écrivit à Rome le onzième de décembre 1589 : La causa della precedenza patriarcale non è ancor venuta a fine, et si tratta tuttavia nella congregatione delle cerimonie. Si scrive, et le scritture vanno per manus, et si come dissi già il parer della congregatione è contra la pretendenza de gli arcivescovi et de’ patriarchi. Solamente l’Antoniano sostien questa parte, e scrive, et stà saldo. Sarà un brav’ huomo, se farà testa tanto che basti, havendo da contrastar con monsignor illustrissimo Gesualdo [5].

  1. Là même, pag. 111.
  2. Là même, pag. 112.
  3. Là même, pag. 113.
  4. Là même, pag. 152.
  5. Lettere di Gio. Francesco Peranda, Io. parte, pag. 224, edit. di Venet. nel. 1604.