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ANTONIO.

carmes des Provençaux contre M. de Launoi, qui avait voulu les guérir de leurs erreurs à l’égard de la Madeleine et du Lazare. Peut-être que don Nicolas Antonio ne prétendait guère toucher à certaines fables pieuses (B), connaissant trop bien l’indocilité de son pays à cet égard, et l’humeur intraitable de l’inquisition. Il insinue qu’il avait encore d’autres ouvrages en tête. Mais n’oublions pas celui qu’il fit imprimer à Anvers, l’an 1659, De Exilio, sive de pœnâ Exilii exulumque conditione et juribus, in-folio [a].

Voilà ce que j’avais dit de don Nicolas Antonio dans la première édition. Depuis ce temps-là, j’ai su qu’étant retourné à Séville, après avoir étudié en droit à Salamanque, il s’enferma dans le royal monastère des bénédictins, et y travailla pendant plusieurs années à la Bibliothéque d’Espagne, et se servit pour cet effet des livres de Benoît de la Serna, qui en était alors abbé, et doyen de la faculté de théologie de Salamanque. Qu’en 1659, il fut envoyé à Rome par le roi Philippe IV, pour y avoir soin des affaires du royaume, en qualité d’agent général... [b]. Que le cardinal d’Aragon, ambassadeur à Rome, obtint pour lui du pape Alexandre VII un canonicat de l’église de Séville, dont il employa le revenu en aumônes et en livres ; qu’il en amassa plus de trente mille volumes ; de sorte que sa bibliothéque ne cédait qu’à celle du Vatican ; qu’avec ce secours, joint à un travail continuel et à une application infatigable, il acheva sa Bibliothéque d’Espagne en quatre volumes in-folio... [c]. Qu’après avoir fait imprimer les deux premiers volumes, il fut rappelé à Madrid par le roi Charles II, pour y exercer la charge de conseiller de la Creusade, ce qu’il fit avec une grande intégrité jusqu’à sa mort, arrivée en 1684..... Qu’il ne laissa point d’autre bien en mourant que la nombreuse bibliothéque qu’il avait transportée de Rome à Madrid ; qu’au contraire, sa succession s’est trouvée tellement chargée de dettes, que ses deux frères, qui sont chanoines de Salamanque, et ses neveux, ont été hors d’état de faire imprimer sa Bibliothéque d’Espagne, et l’ont envoyée à D. le cardinal d’Aguirre, qui a eu la générosité de se charger des frais de l’impression (C), et d’en donner le soin à M. Marti son bibliothécaire, qui y a ajouté des notes sous le nom de cette éminence. Je viens de voir un livret, où j’ai appris que les jésuites se sont plaints de cet ouvrage de don Nicolas Antonio (D).

  1. Tiré de sa Bibliotheca Hispanica, tom. II, pag. 118, 119.
  2. Journal des Savans du 10 juin 1697 ; pag. 420, édit. de Hollande.
  3. Là même, 421, 422.

(A) Sa Bibliothéque des écrivains espagnols est un très-bon livre en son genre [1]. ] J’ai cité M. Baillet, qui en fait connaître le prix en détail. C’est avec raison qu’il en a loué jusqu’aux tables ; car elles sont très-bien entendues et très-utiles. L’auteur y a mis une petite préface, qui témoigne son

  1. Voyez le jugement avantageux qu’en a fait M. Baillet, au tome II des Jugemens des Savans, num. 128. Le Journal des Savans du 6 juillet 1676, donne un chétif article de cet excellent ouvrage.