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APAFI.

sement accouchée d’un garçon : il ne savait s’il devait se réjouir ou s’affliger de cette nouvelle ; mais les Turcs qui le menaient, et qui sans doute connaissaient bien mieux que lui les intentions d’Ali Bassa, lui dirent que cela lui présageait une heureuse principauté. Ali le reçut honorablement, et, peu de jours après, il le fit élire prince de Transilvanie. Il fit en sorte qu’il parut que l’élection s’était faite légitimement : il fit venir dans son armée le plus qu’il put de gentilshommes de Transilvanie, et leur témoigna qu’il souhaitait que, conjointement avec les députés des villes, ils choisissent quelqu’un d’eux pour être leur prince, et leur promit de conférer au nom du sultan les marques de la principauté à celui qu’ils éliraient [a]. Voilà comment Michel Apafi devint prince de Transilvanie, sans avoir brigué, et sans s’y être attendu (B). Il était de grande naissance (C), à la vérité ; mais d’un naturel tranquille, et que la longue prison de Crimée avait fort humilié. Kimin-Janos, qui attendait des merveilles de sa jonction avec les impériaux commandés par le comte Montecuculi, se vit bien trompé ; car dès qu’on eut su l’état des forces ottomanes, Montecuculi trouva beaucoup plus à propos de s’en retourner en Hongrie, que de hasarder un combat. Cette retraite donna lieu aux Turcs de faire mille ravages ; et ils gagnèrent en Transilvanie un combat, où Kimin Janos fut tué au mois de janvier 1662 (D). Son fils voulut entreprendre de se maintenir ; mais ses efforts furent sans succès. Apafi fut obligé de joindre ses forces à celles des Turcs, pour le recouvrement des places que l’empereur avait occupées dans la Transilvanie. La garnison impériale de Clausembourg se défendit très-long-temps ; de sorte que les Turcs et Michel Apafi levèrent ce siége avec honte [b]. On négocia vainement sur l’évacuation de ces places, il en fallut venir à la guerre ouverte [c]. Elle fut heureuse aux Turcs, l’an 1663 ; mais l’année suivante ils perdirent la fameuse bataille de Saint-Gothard, après quoi le grand visir consentit à une trêve de vingt ans. Apafi traita, en 1664, avec les garnisons impériales de Clausembourg et de Zatmar, qui lui livrèrent ces deux villes [d]. Il vécut sous la protection de la Porte, dans une grande indépendance de la cour de Vienne, pendant la trêve des deux empires. Il favorisa d’abord les mécontens de Hongrie, sans rompre avec l’empereur ; mais enfin, il entreprit une guerre ouverte pour eux, et en exposa les raisons dans un manifeste latin, qu’il adressa à tous les princes chrétiens (E). Les Turcs rompirent avec l’empereur l’an 1683, et entrèrent dans la Hongrie avec une armée si formidable, qu’elle pénétra jusqu’à Vienne avec la dernière facilité. Ces heureux commence-

  1. Ex eodem Betlenio, pag. 248 et 249.
  2. Le gouverneur s’appelait David Rettani. C’était un Vénitien, bon ingénieur. Vianoli, Hist. Veneta, tom. II, pag. 669.
  3. Ex Bellenio in Historiâ Rerum Transilvaniæ.
  4. Bunonis Not. in Phil. Cluverii Introduct. geog., pag. 281.