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APAFI.

mens furent suivis d’un revers épouvantable. Le grand visir leva le siége de Vienne ; et depuis ce temps-là, ce ne furent plus que pertes sur pertes, que malheurs sur malheurs dans le parti ottoman. La Transilvanie tomba sous la discrétion des troupes impériales, et y est encore ; et bien loin qu’Apafi ait travaillé à la liberté de la Hongrie, qu’au contraire, il a été cause que ce royaume a perdu l’ombre de liberté qui lui restait (F) ; car il n’est plus électif présentement : il a été regardé comme un pays de conquête ; et sur ce pied-là, il est érigé en royaume héréditaire. Apafi mourut à Weissembourg, vers la fin d’avril [* 1] 1690 (G). Les Turcs tâchèrent de mettre le comte Tékéli à sa place ; mais il n’eut pas le bonheur de profiter de l’irruption qu’il avait faite dans le pays [a]. La présence du prince Louis de Bade le fondit, pour ainsi dire, comme le soleil fond la neige ; et depuis ce temps-là, jusqu’au temps où j’écris ceci [b], il n’a guère troublé le nouveau prince titulaire de Transilvanie. C’est le fils de Michel Apafi [* 2].

  1. * Joly dit que ce fut le 15 avril,
  2. * Joly ajoute que ce fils s’appela Michel II. Né en 1676, il avait succédé à son père en 1690, fut dépouillé en 1699 de sa principauté par le Traité de Carlovitz, qui la céda à l’empereur ; il obtint de la cour de Vienne la modique pension de mille florins, et mourut le 1er. février 1713.
  1. Pendant la campagne de 1690.
  2. Au mois de février 1609.

(A) Apafi, mandé par Ali Bassa, crut qu’on l’allait faire mourir. ] J’ajoute plus de foi à cela qu’à ceux qui disent que c’était un homme ambitieux. J’ai cité un auteur qui était bien informé : il vivait en ce temps-là, et il avait des charges en Transilvanie, qui lui donnaient toutes sortes de moyens de savoir le fond des choses [1]. Or, il raconte d’une manière qui paraît fort ingénue qu’Apafi devint prince de Transilvanie sans y avoir rien contribué ; et il affirme que ce n’était point un homme ambitieux. Cependant, c’est une faute fort excusable d’avoir dit qu’Apafi..… avait assurément des qualités qui le rendaient digne d’une principauté ; qu’avec cela, il avait une ambition proportionnée à son grand cœur [2] ; car, pour l’ordinaire, ceux qui montent à ces principautés électives, au milieu des troubles excités par les concurrens, ont l’âme très-ambitieuse. Un auteur français, qui a publié une histoire des troubles de Hongrie, ne représente point Michel Apafi comme un prince qui cherchât à s’agrandir ; car, lorsqu’il parle de la résolution qui fut prise par les protestans hongrois de se liguer avec ceux de Transilvanie, pour maintenir, l’épée à la main, la liberté de conscience, il ajoute ces paroles : La princesse, femme d’un esprit turbulent, et extrêmement attachée aux erreurs de Calvin, sollicitait puissamment cette union, tandis que son mari, plus paisible, ne s’occupait qu’à la chasse et à la conversation des savans [3].

(E) Il devint prince de Transilvanie, sans avoir brigué et sans s’y être attendu. ] C’est de quoi j’ai déjà parlé dans la remarque précédente. Il ne me reste qu’à marquer quelques auteurs qui ne paraissent pas avoir été bien informés de la manière dont il fut élu. Au commencement de l’année 1665, dit l’un d’eux [4], Kimin Janos fut défait et perdit la vie... Les Turcs, ne trouvant plus rien qui leur résistât, se rendirent maîtres de toute la Transilvanie, à la réserve des places dont les impériaux avaient pris

  1. Voici les titres qu’il prend à la tête de son Histoire de Transilvanie, imprimée à Amsterdam, en 1664, in-12 : Joannes Betlenius, Comes Comitatûs Albensis, regni Transilvaniæ Consiliarius, Cancellarius, ac sedis Siculicalis Udvarhely Capitaneus supremus, etc.
  2. Ricaut, Histoire de Mahomet IV, pag. 292.
  3. Histoire des troubles de Hongrie, liv. II, à l’an 1668, pag. 75 de l’édition d’Amsterdam, en 1686.
  4. Idem, liv. I, pag. 41.