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APICIUS.

vénal un autre passage, où Apicius signifie généralement un homme qui fait beaucoup de dépenses pour se nourrir :

........Quid enim majore cachinno
Excipitur vulgi quàm pauper Apicius... [1] ?


C’est puérilement que quelques commentateurs entendent ici, ou l’Apicius du premier livre d’Athénée [2], ou celui de la quatrième satire de Juvénal [3].

(B) Son livre fut trouvé par Albanus Torinus, qui le publia à Bâle, douze ans après. ] Il le fit imprimer in-4o, l’an 1541. Il y joignit le Traité de Paul Ægineta, de Facultatibus Alimentorum, qu’il avait traduit, et les dix livres de Platine, de tuendâ Valetudine, de Naturâ Rerum, et Popinæ Scientiâ. Il dit dans sa préface qu’étant allé à l’île de Maguelonne, il y avait douze ans, avec Guillaume Pellissier [4], il avait vu un manuscrit où il reconnut, par la trace des caractères, le titre de Caelii Apitii de re culinaria libri x. Il eut un très-grand plaisir de sa découverte. Il fit copier exactement cet ouvrage : il sentit d’abord que c’était la production d’un ancien auteur ; mais comme le manuscrit était dans un grand désordre, il crut qu’avant que de le mettre sous la presse, il le fallait collationner avec l’exemplaire de Venise, qu’il attendit très-longtemps. On le lui envoya enfin, et il le trouva plus corrompu que celui de Maguelonne. Il eût renoncé pour jamais à l’impression de ce livre, si quelques étudians ne l’eussent contraint, par leurs plaintes et par leurs importunités, à le publier. Il s’en fit la même année une seconde édition in-8o., à Lyon, chez Sébastien Gryphius. On le publia à Zurich, l’an 1542, in-4o., avec les notes et les corrections de Gabriel Humelbergius. Je ne crois pas que Gesner, ni Simler, méritent aucune censure pour avoir dit que cet ouvrage fut imprimé à Venise avant qu’Albanus Torinus l’eût mis au jour. On prétend qu’ils n’ont pas bien entendu les expressions de ce Torinus : In Bibl. Simlero-Gesneriâna dicuntur Apicii libri primùm excusi Venetiis, quod acceptum est ex malè intellectis Torini verbis in dedicatione [5]. Voici quelles sont ces expressions : Premendum planè censebam donec melioris alicujus exemplaris fieret copia, quod acceperam esse annis abhine plus minus quinquaginta Venetiis expressum [6]. Quoique cela n’apprenne pas avec la dernière clarté qu’il s’agit d’une impression, on est néanmoins excusable de l’entendre ainsi, et il se trouve, en effet, qu’un bibliographe assure qu’Apicius fut imprimé à Venise, l’an 1503, in-4o., apud Johan. de Cereto de Tridino [7]. Les héritiers d’André Wechel avaient eu quelque pensée de réimprimer cet ouvrage. Pignorius leur fit offrir, par Velserus, un bon manuscrit [8]. Cela n’eut point de suite. Il y avait dans la bibliothéque des ducs d’Urbin un Apicius, dont les caractères sont semblables à ceux des Pandectes Florentines. Il est aujourd’hui dans la bibliothéque du Vatican. Gudius le conféra avec l’édition de Lyon [9]. Au reste, Albanus Torinus a été repris fort aigrement d’avoir trouvé l’air et le goût de l’antiquité dans cet auteur : Olfaciebam statim autorem esse vetustissimum, et obsopœum, qui de re popinali, linguâ coquinariâ egregiè præter cæteros scripsisset, et qui obsonia delicatiùs quàm pro eâ ætate quâ glandibus vescerentur homines, confecisset [10]. Latinus Latinius assure qu’il faut être bien grossier pour en faire ce jugement, et que ce prétendu Apicius n’est qu’un sot et un barbare, dont quelques-unes des manières d’apprêter ne sont propres qu’à écorcher la bouche, et qu’à soulever l’estomac : In Latini Latinii Bibl. profanâ, ubi quædam illius viri docti in Apicium observationes leguntur, ad verba editoris, ubi in præfat. ait se statim ol-

  1. Juvenal., Satir. XI, vs. 2.
  2. Bernard. Antumnus, in hunc locum Juvenalis.
  3. Farnab., in eumd. Juvenal. locum.
  4. Il était évêque de Maguelonne, c’est-à-dire de Montpellier.
  5. Joh. Albertus Fabricius, in Biblioth. Latinâ, pag. 130, edit. Hamburgens., an. 1697.
  6. Alban. Torinus, in Epist. Dedicat.
  7. Mercklinus, in Lindenio renovato, pag. 85.
  8. Voyez les Lettres de Reinesius à Daumius, pag. 109.
  9. Joh. Albertus Fabricius, Biblioth. Latinæ, pag. 130.
  10. Alban. Torinus, in Epist. Dedicat.