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APICIUS.

comme s’il avait craint de mourir de faim avec une telle somme. Dion, qui l’appelle M. Gabius Apicius, rapporte la même chose [a], et ajoute une particularité, qui se trouve aussi au Ier. chapitre du IVe. livre des Annales de Tacite, que Séjan, dans sa première jeunesse, s’était prostitué à lui. Pline l’appelle M. Apicius, et fait souvent mention des ragoûts qu’il inventa [b] : Nepotum omnium altissimus gurges. On avait fait un livre sur sa gourmandise, cité par Athénée [c]. Il ne faut point douter que l’Apicius de Juvénal, de Martial, de Lampridius, etc., ne soit celui-ci (A). Le troisième Apicius vivait sous Trajan. Il avait un secret admirable pour conserver les huîtres : cela parut, lorsqu’il en envoya à Trajan au pays des Parthes : elles étaient encore fraîches quand ce prince les reçut [d]. Le nom d’Apicius est demeuré long-temps affecté à divers mets, et a fait comme une espèce de secte parmi les cuisiniers. Nous avons un Traité de Re Culinariâ, sous le nom de Cælius Apicius, que quelques critiques jugent assez ancien, quoiqu’ils n’estiment pas qu’il ait été composé par aucun de ces trois Apicius [e]. Quelques-uns aiment mieux nommer l’auteur de ce livre Apicius Cælius. Un savant Danois est de ce nombre, et il attribue cet ouvrage à celui qui envoya des huîtres à l’empereur Trajan. Ce livre fut trouvé dans l’île de Maguelonne, auprès de Montpellier, par Albanus Torinus, qui le publia à Bâle avait été déjà trouvé ailleurs, près de cent ans auparavant, sous le pape Nicolas V, par Enoch d’Ascoli [f]. Il y avait au titre M. Cæcilius Apicius. Vossius estime que l’auteur s’appelle M. Cælius, ou M. Cæcilius, et qu’il intitula son ouvrage, Apicius, à cause qu’il traitait de la cuisine [g]. On trouve dans les remarques de Casaubon sur Athénée quelque chose touchant notre Apicius [h]. J’ai découvert quelques fautes à son sujet dans différens auteurs (C). Je les rassemble toutes ci-dessous dans une seule remarque.

  1. Dio, lib. LVII.
  2. Plinius, lib. VIII, cap. LI ; lib. IX, cap. XVIII ; lib. X, cap. XLVIII ; lib. XIX, cap. VIII.
  3. Apion en était l’auteur. Athen., lib. VII, pag. 294.
  4. Athen., lib. I, pag. 7.
  5. Borrichius, Cogit. de variis Linguæ Lat. ætatibus, pag. 18.
  6. Platina, in vitâ Nicolai V.
  7. Voss. de Analogiâ, lib. I, cap. XIV, pag. 55.
  8. Casaub., in Athen., lib. I, cap. VI, et lib. IV, cap. XIX.

(A) L’Apicius de Juvénal, de Martial, de Lampridius, est le même que celui-ci. ] J’ai en vue ces paroles de Juvénal :

..............Multa videmus,
Quæ miser, et frugi non fecit Apicius... [1] ;


et ces deux vers de Martial :

Ipse quoque ad cœnam gaudebat Apicius ire :
Cum cœnaret, erat tristior ille, domi [2]


et l’endroit de Lampridius, où nous lisons que l’empereur Héliogabale mangeait souvent des langues de paon et de rossignol à l’imitation d’Apicius : Comedit sæpiùs ad imitationem Apicii calcanea camelorum, et cristas vivis gallinaceis demptas, linguas pavonum, et lusciniarum [3]. Il y a dans Ju-

  1. Juvenal., Satira IV, vs. 23.
  2. Martial., Epigram. LXIX, lib. II. Voyez aussi l’Epigram. LXXIII du liv. X.
  3. Lampr., in Heliogab., cap. XIX, pag. 835. Vide etiam cap. XVIII, pag. 827, et cap. XXIV, pag. 857.