Page:Bayle - Dictionnaire historique et critique, 1820, T02.djvu/190

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
180
APOLLINARIS.

ni que le verbe ἔγραψεν signifie en ce lieu-là, il peignit, comme il est dit auparavant en même sens γράϕων et γράψει ; ni qu’enfin άπιὼν cùm discessisset, répond au verbe qui précède, παρήει, adstitit. Après cela, si le réflexif a vu lui-même l’endroit d’Eustathius, je m’étonne de ce qu’il l’a si mal conçu : et s’il a pris cette interprétation de quelque autre, je n’étonne encore davantage de ce qu’il a fait si fort semblant d’avoir vu Eustathius, marquant soigneusement l’endroit qu’il n’a pas vu [1]. »

  1. Remarques sur les nouvelles réflexions touchant la Poétique, pag. 56, 57.

APOLLINARIS (Caïus Sulpitius), grammairien fort docte, natif de Carthage (A), a vécu dans le IIe. siècle sous les Antonins. Il eut pour successeur dans la profession de grammaire Helvius Pertinax, qui avait été son disciple, et qui fut enfin empereur [a]. On le croit auteur des vers qui paraissent à la tête des comédies de Térence (B), et qui en contiennent le sommaire. On a l’épigramme qu’il composa sur l’ordre que Virgile avait donné de brûler son Énéide (C). Aulu-Gelle, qui avait étudié sous lui, en parle souvent avec éloge (D). Je conseille surtout de voir ce qu’il en a dit dans le chapitre VI du XVIIIe. livre. On y trouvera le portrait d’un fanfaron d’érudition, et la manière adroite dont Apollinaris se moqua de lui (E).

  1. Julius Capitolinus, in Pertinace, cap. I.

(A) Natif de Carthage. ] Je n’ai point trouvé d’auteur ancien qui me l’apprenne : je ne le débite que sur la foi des auteurs modernes qui ont publié des compilations d’épigrammes, ou de Catalectes des anciens poëtes.

(B) On le croit auteur des vers qui paraissent à la tête des comédies de Térence. ] J’ai lu dans une lettre de Pierre Crinitus [1], que Politien avait remarqué que ces vers ne devaient pas être attribués à Térence, comme le croyaient bien des gens, mais à Sulpicius Apollinaris. Il ajoute, qu’on lisait, dans un très-ancien manuscrit de Térence, cette inscription en grands caractères sur les sommaires, G. Sulpici Apollinaris periocha. On s’est fort réglé sur cette inscription dans les éditions de Térence. M. de Tillemont nous renvoie à Sethus Calvisius, touchant ces sommaires [2]. Il est vrai que Calvisius en parle sous l’année 163 : mais il cite Suidas, et je doute fort qu’il l’ait dû faire. Il ne tient pas à M. de Tillemont que l’on ne croie que nous avons encore deux ouvrages d’Apollinaris. Il [* 1] a laissé quelques lettres, dit-il, et [* 2] un écrit où il reprenait un autre grammairien nommé Cæsellius Vindex [* 3].

(C). On a l’épigramme qu’il composa sur l’ordre que Virgile avait donné de brûler son Énéide. ] La voici ; ce n’est qu’un distique [* 4] :

Infelix alio cecidit propè Pergamon igne,

Et pœnè est alio Troja cremata rogo.


Ces vers-là font regretter la perte des autres. Versus habemus ejus aliquos de Æneide Maronis qui deperditorum accendunt sitim [3]. Ces paroles sont du jésuite Briet. Je m’étonne qu’il ne parle pas des sommaires de Térence, et que Vossius ne dise rien de notre poëte [* 5]. J’avoue qu’il parle d’un Apollinaris que le Giraldi a compté entre les poëtes latins ; mais comme

  1. (*) Gellius, lib. XV, cap. V.
  2. (*) Idem, lib. II, cap. XVI.
  3. * Joly avoue que M. de Tillemont ne s’est pas expliqué exactement.
  4. * Guib remarque que ce n’est pas un distique : la pièce entière a six vers que Joly rapporte, et qui se trouvent d’ailleurs dans la Vie de Virgile attribuée à Dorat.
  5. * Joly prétend que J. A. Fabricius n’a point consacré d’article à Apollinaris dans sa Bibliotheca Latina. C’est une erreur : le chapitre XIV du livre III est consacré à Symmaque et à Sidoine Apollinaire. L’article de ce dernier est à la page 131 du tome II de l’édition citée par Joly.
  1. Elle est parmi celles de Politien, la XXIIe. du XIIe. livre, édition de Paris, en 1526, in-4o.
  2. Tillemont, Hist. des Empereurs, tom. II, pag. 589.
  3. Brietius, de Poët. Lat., pag. 42.