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APULÉE.

ait étudié dans la Grèce en deux différens temps ; d’abord, avant que d’étudier à Carthage, et puis lorsqu’il eut étudié dans cette ville. Ils ne parlent point de Rome : ils prétendent que ce fut à Carthage qu’il apprit la langue latine [1] : ce dernier fait est visiblement démenti par le prologue de l’Âne d’or.

(E) Son insatiable curiosité de tout savoir l’engagea..…. à s’enrôler dans diverses confréries de religion. ] Il se fait dire ces paroles dans le IlIe. livre de l’Âne d’or : Paveo et formido solidè domus hujus operta detegere, et arcana dominæ meæ revelare secreta. Sed meliùs de te doctrinâque tuâ præsumo, qui præter generosam natalium dignitatem, præter sublime ingenium, sacris pluribus initiatus, profectò nôsti sanctam silentù fidem [2]. Il finit son roman par le narré de son entrée dans la religion d’Osiris. Ce fut à Rome que cet honneur lui arriva. Il ne fut guère parmi le commun des initiés ; il monta bientôt aux premiers grades : Deniquè per dies admodùm pauculos, Deus Deûm magnorum potior, et majorum summus, et summorum maximus, et maximorum regnator Osiris non in alienam quampiam personam reformatus, sed coràm suo illo venerando me dignatus afflamine, per quietem præcipere visus est... Ac ne sacris suis gregi cætero permixtus deservirem, in collegium me Pastophororum suorum, imò inter ipsos decurionum quinquennales elegit. Avant que de venir à Rome, il avait été initié aux mystères d’Isis : ce furent les prémices de son humanité recouvrée. Il mêle dans la description de ces sortes de cérémonies plusieurs nobles sentimens, et qui ne sont dignes que de la vraie religion. Tel est, par exemple, celui-ci : Te jam nunc obsequio religionis nostræ dedica, et ministerii jugum subi voluntarium ; nam cùm cœperis Deæ servire, tunc magis senties fructum tuæ libertatis [3]. Ceux qui l’accusèrent de magie, lui objectèrent entre autres choses qu’il conservait je ne sais quoi dans un mouchoir avec une singulière superstition. Voici ce qu’il répondit : Vindicam cujusmodi illas res in sudario obvolutas laribus Pontiani commendârim ? Mos tibi geretur. Sacrorum pleraque initia in Græciâ participavi. Eorum quædam signa et monumenta tradita mihi à sacerdotibus sedulò conservo. Nihil insolitum, nihil incognitum dico. Vel unius Liberi patris symmistæ, qui adestis, scitis quid domi conditum celetis, et absque omnibus profanis tacitè veneremini. At ego, ut dixi, multijuga sacra, et plurimos ritus, varias cerimonias, studio veri et officio erga Deos didici. Nec hoc ad tempus compono, sed abhinc fermè triennium est, cùm primis diebus quibus Oeam veneram, publicè disserens de Æsculapii majestate, eadem ista præ me tuli, et quot sacra nôssem percensui. Ea disputatio celebratissima est, vulgò legitur, in omnium manibus versatur... Etiamne cuiquam mirum videri potest, cui sit ulla memoria religionis, hominem tot mysteriis Deûm conscium, quædam sacrorum crepundia domi adservare, atque ea lineo texto involvere, quod purissimum est rebus divinis velamentum [4] ? Il est probable que si Apulée était magicien, son crime était incomparablement moindre que celui des magiciens d’aujourd’hui, parce qu’il ne savait pas qu’il n’y eût que de mauvais génies qui s’attachassent à faire certaines choses à la présence de certaines cérémonies. Il croyait avec les Platoniciens que de bons génies pouvaient aussi faire cela [5]. J’ai cité dans le texte de cet article saint Augustin qui témoigne qu’Apulée avait une dignité de religion qui lui donnait l’intendance des combats des gladiateurs : Sacerdos provinciæ pro magno fuit, ut munera ederet venatoresque vestiret [6]. Enfin, je trouve que notre auteur s’était consacré au culte d’Esculape, l’une des principales divinités des Carthaginois, et qu’il avait même une dignité dans ce collége : Principium mihi apud vestras aureis

  1. Il passa les premières années de son enfance dans la Grèce, et les suivantes à Carthage, où il apprit le latin sans maître, et avec beaucoup de peine. Il commença aussi à y étudier la philosophie. Il alla ensuite à Athènes, où il apprit la poésie, etc. Tillemont, Hist. des Empereurs, tom. II, pag. 722.
  2. Apuleii Metamorph., pag. 136.
  3. Metamorph., lib. XI, pag. 264.
  4. Idem, Apolog., pag. 309, 310.
  5. Voyez la dispute de saint Augustin contre le sentiment d’Apulée, au liv. VIII de la Cité de Dieu, chap. XIX, et suiv.
  6. August., Epist. V.