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APULÉE.

quàm Cyro majori quòd genere mixto fuit, Semimedus ac Semipersa. Un certain homme, qui se voulut ériger en censeur général vers la fin du XVIe. siècle, nous tombe ici entre les mains. Après avoir dit que Lucien, sous la forme prétendue d’âne, enseigne mille impudicités, il ajoute : Apuleius hunc imitatus, ut vir græcus se latinè nescivisse ingenuè confessus, in Asino aureo planè rudit [1]. Premièrement, il n’est pas vrai qu’Apulée avoue qu’il n’entend point le latin : il dit seulement, 1o. qu’il l’ignorait la première fois qu’il vint à Rome ; 2o. qu’il l’apprit sans maître. En second lieu, il n’est point vrai qu’il fût Grec. Madaure était une colonie romaine ; et, lorsqu’il se veut justifier par l’exemple des autres poëtes, il cite les Grecs comme étrangers, et les Latins comme ses compatriotes : Fecêre tamen et alii talia, et... apud Græcos Tejus quidam...... apud nos verò, Œdituus, et Portius, et Catulus [2]. Ce qu’il y a de vrai, c’est que la langue latine n’était pas commune à Madaure. Apulée, fils d’un des premiers magistrats, n’y entendait rien quand il vint à Rome. Le fils de Pudentilla sa femme n’entendait que le punique et un peu de grec, que sa mère, originaire de Thessalie, lui avait appris : Loquitur nunquàm nisi punicè, et si quid adhuc à matre græcissat : latinè enim neque vult neque potest [3].

(C) Sa famille était considérable. ] Son père se nommait Thésée. On ne le sait que par ces paroles : Si contentus lare parvulo, Thesei illius cognominis patris tui virtutes æmulaveris [4]. Il avait exercé à Madaure la charge de duumvir. C’était la première dignité d’une colonie : In quâ coloniâ patrem habui loco principe duumviralem, cunctis honoribus perfunctum [5]. Sa mère, nommée Salvia [6], était originaire de Thessalie, et descendait de la famille de Plutarque. Il le dit lui-même, dès le commencement de son roman. Saint Augustin a reconnu qu’Apulée était de bonne maison : c’est dans sa Ve. lettre. Voyez ci-dessous la remarque (E), citation (18).

(D) Il étudia premièrement à Carthage, puis à Athènes, ensuite à Rome. ] On ne trouverait point cette gradation, si l’on s’arrêtait au prologue de son roman, puisqu’il n’y parle point de Carthage. Il se contente de dire que ses premières études ont été celles de la langue grecque dans la Grèce, et qu’après cela il vint à Rome, où il étudia le latin sans le secours d’aucun maître : Ibi linguam Attidem primis pueritiæ stipendiis merui, mox in urbe latiâ advena studiorum Quiritium indigenam sermonem ærumnabili labore, nullo magistro præeunte, aggressus excolui. Cette narration est trompeuse : elle n’est rien moins qu’exacte : il la faut rectifier par d’autres passages d’Apulée. Se faut-il étonner qu’un auteur raconte mal les actions d’autrui ? ne raconte-t-il pas quelquefois les siennes bien confusément ? Voici ces autres passages de notre auteur. Il dit aux Carthaginois qu’il a étudié dans son enfance chez eux, et qu’il a même commencé d’y embrasser la secte platonicienne : Sum vobis nec lare alienus, nec pueritiâ invisitatus, nec magistris peregrinus, nec sectâ incognitus...... Enimverò et pueritia apud vos, et magistri vos ; et secta, licet Athenis Atticis confirmata, tamen hìc inchoata est [7] : à quoi il ajoute, Hanc ego vobis mercedem, Carthaginienses, ubiquè gentium dependo, pro disciplinis quas in pueritiâ sum apud vos adeptus. Ubiquè enim me vestræ civitatis alumnum fero [8]. Quelques pages après, il fait un dénombrement des sciences qu’il étudia à Athènes : Prima cratera litteratoris ruditatem eximit : secunda grammatici doctrinâ instruit : tertia rhetoris eloquentiâ armat. Hactenùs a plerisque potatur. Ego et alias crateras Athenis bibi : poëticæ commentam, geometricæ limpidam, musicæ dulcem, dialecticæ austerulam, enimverò universæ philosophiæ inexplebilem, scilicet nectaream [9]. Quelques-uns veulent qu’il

  1. Claudius Verderius, in auctores penè omnes Cension., pag. 73. Ce livre fut imprimé à Lyon, en 1586, in-4o.
  2. Apuleii Apologia, pag. 278.
  3. Ibidem, pag. 336.
  4. Apul. Metam., lib. I, pag. 112.
  5. Idem, Apologia, pag. 289.
  6. Idem, Metamorph., lib. II, pag. 115.
  7. Idem, Floridor., pag. 359.
  8. Id., ibid., pag. 361.
  9. Id., ibid., pag. 363.