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APULÉE.

discrimen doloribus obortis exanimabatur. Medici cum obstetricibus consentiebant, penuriâ matrimonii morbum quæsitum. Malum in dies augeri, ægritudinem ingravescere : dum ætatis aliquid supersit, nuptis valetudinem medicandam [1]. C’est un malheur pour une femme, que certains procès où il faut dire cent choses en pleine audience, qu’on aimerait mieux cacher, soit que l’infirmité naturelle y ait plus de part que l’infirmité morale, soit qu’elle y ait moins de part [2]. Sans ce procès, Apulée se fût bien gardé d’indiquer la cause des maux dont Pudentilla avait été tourmentée pendant son veuvage. Elle y trouvait néanmoins quelque petite douceur : car, puisqu’elle avait tant souffert, c’était une marque qu’elle ne s’était point servie du vrai remède. On n’allégua point aux juges cette conséquence ; mais on assura que cette veuve avait vécu chastement, et qu’il n’avait couru d’elle aucun mauvais bruit. Revenant à son âge, je dis qu’Apulée était sans doute plus jeune qu’elle, car elle avait un fils qui avait été à Athènes le camarade d’Apulée [3] : mais j’ajoute qu’il ne l’épousa pas sans espérance d’en avoir des enfans. Il le témoigne, lorsqu’il répond au reproche qu’on lui faisait de s’être allé marier à la campagne. Après avoir répondu qu’on avait pris ce parti, afin d’éviter les frais que les noces leur auraient coûté dans la ville, il ajoute que la campagne est un poste beaucoup plus favorable que la ville en matière de fécondité, et que se coucher sur l’herbe, et à l’ombre des ormeaux, et au milieu d’une infinité de productions qui naissent du sein fertile de la terre, ne peut qu’apporter bonheur à de nouveaux mariés qui veulent avoir des enfans. Il eût bien fait de garder cette pensée pour ses Florida, je veux dire pour ces déclamations de rhétoricien, où il lâche la bride à toutes les fausses pensées de son imagination. Cet endroit gâte son apologie : il n’est digne, ni des juges à qui il parlait, ni de la cause qu’il plaidait : Immò si verum velis, uxor ad prolem multò auspicaciùs in villâ quàm in oppido ducitur : in solo uberi, quàm in loco sterili : in agri cespite, quàm in fori silice : mater futura in ipso materno si nubat sinu, in sesete adultâ super fœcundam glebam. Vel enim sub ulmo marita cubet in ipso gremio terræ matris inter soboles herbarum, et propagines vitium, et arborum germina [4]. Nous verrons ci-dessous [5], qu’on déclara en pleine audience que Pudentilla n’était point belle, et que son contrat de mariage contenait des clauses qui supposaient qu’elle était encore en âge d’avoir des enfans

(H) Sa bonne mine, sa propreté, etc. ] Voici quelques parties de son portrait : At illa obtutum in me conversa, en, inquit, sanctissimæ Salviæ matris generosa proles. Sed et cætera corporis inexplicabiliter ad regulam congruentia, inenormis proceritas, succulenta gracilitas, rubor temperatus ; flavum et inaffectatum capillitium ; oculi cæsii quidem, sed vigiles, et in aspect micantes prorsùs aquilino, quoquò versum floridi : speciosus et immeditatus incessus [6]. Ses accusateurs lui reprochèrent sa beauté [7], ses beaux cheveux, ses belles dents, son miroir. Sur les deux premiers chefs, il répondit qu’il était fâché que l’accusation fût fausse : Quòd utinam tam gravia formæ et facundiæ crimina verè mihi approbrâsset ! non difficile ei respondissem quod Homericus Alexander Hectori :

Οὔτι ἀπόϐλητ᾽ ἐςὶ θεῶν ἐρικύδεα δῶρα.

Ὅσσα κεν αὐτοὶ δῶσιν, ἑκὼν δ᾽ οὐκ ἄν τις ἕλοιτο. Ili. III, vs. 65, 66.

Munera Deûm gloriosissima nequaquàm aspernanda :

Quæ tamen ab ipsis tribui sueta, multis volentibus non obtingunt.


Hæc ego de formâ respondissem. Prætereà, licere etiam philosophis esse vultu liberali. Pythagoram, qui primum sese philosophum nuncupârit, eum sui sæculi excellentissimâ formâ fuisse : item Zenonem.…. Sed hæc defensio, ut dixi, aliquammultùm à me remota est : cui, præter formæ me-

  1. Idem, ibid., pag. 318.
  2. Voyez ci-dessous la remarque (I).
  3. Apuleii Apolog., pag. 320.
  4. Idem, ibid., pag. 329.
  5. Dans la remarque (I).
  6. Metamorphos., lib. II, pag. 115. Voyez aussi lib. I, pag. 112.
  7. Accusamus apud te philosophum formosum, et tam græcè quàm latinè, proh nefas ! disertissimum. Apuleius, Apolog., pag. 275.