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APULÉE.

lo esset et comâ intonsus, et genis gratus, et corpore glabellus, et arte multiscius, et fortunâ opulentus.... Linguâ fatidicâ seu tutè oratione, seu versibus malis, utrobique facundiâ æquipari..… Risêre Musæ, cùm audirent hoc genus crimina, sapienti exoptanda, Apollini objectata [1], et tibicinem illum certamine superatum, velut ursum bipedem, corio exsecto nudis et laceris visceribus reliquerunt [2]. Notez qu’Apulée assure que son accusateur n’était qu’un gros paysan fort laid : Mihi istud crede quanquàm teterrimum os tuum mininum à Thyestâ tragico demutet, tamen profectò discendi cupidine speculum inviseres, et aliquandò relicto aratro mirarere tot in facie tuâ sulcos rugarum. At ego non mirer, si boni consulis me de isto distortissimo vultu tuo dicere, de moribus tuis multò truculentioribus reticere [3] ?

(I) On l’accusa de s’être servi de sortiléges, pour s’emparer du cœur de sa femme et de son argent. ] Apulée n’avait pas besoin d’une grande justification par rapport au premier article ; car, puisque par des raisons de santé Pudentilla s’était déterminée à un second mariage, avant même que d’avoir vu ce prétendu magicien, la jeunesse, la bonne mine, le beau caquet, l’esprit, et les autres agrémens d’Apulée étaient un charme plus que suffisant à le faire aimer de cette dame. Il eut les occasions les plus favorables de gagner son amitié ; car il logea quelque temps chez elle : le fils aîné de Pudentilla le voulut absolument ; et ce fut lui qui souhaita qu’il se mariât avec elle, et qui le sollicita à y songer [4]. Apulée ménagea finement tous ses avantages, et poussa dans le ridicule, par des traits vifs et agréables, ses accusateurs. « Vous vous étonnez, leur disait-il, qu’une femme se soit remariée après treize ans de viduité : il est bien plus étonnant qu’elle ne se soit pas plus tôt remariée. Vous croyez qu’il a fallu de la magie pour obliger une veuve de son âge à se marier avec un jeune garçon : et au contraire, c’est ce qui montre que la magie eût été bien superflue : » Cur mulier libera tibi nupsit post annos tredecim viduitatis ? quasi non magis mirandum sit quòd tot annis non nupserit.….. At enim major natu non est juvenem aspernata. Igitur hoc ipsum argumentum est nihil opus magiâ fuisse ut nubere vellet mulier viro, vidua cœlibi, major juniori [5]. Si l’arrêt des juges eût été formé sur la sentence qui fut prononcée en pareil cas à peu près par la mère d’Alexandre-le-Grand, il eût été admirable : Ὁ βασιλεὺς Φίλιππος ἤρα Θεσσαλῆς γυναικὸς ἀιτίαν ἐχούσης καταϕαρμακεύειν αὐτόν· ἐσπούδασε οὖν ἡ Ὀλυμπιὰς λαϐεῖν τὴν ἄνθρωπον ὑποχείριον. Ὡς δὲ εἰς ὄψιν ἐλθοῦσα, τό τ᾽ εἶδος εὐπρεπὴς ἐϕάνη, καὶ διελέχθη πρὸς αὐτὴν οὐκ ἀγεννῶς οὐδ᾽ ἀσυνέτως. Χαιρέτωσαν (εἶπεν ἡ Ὀλυμπιας) ἁι διαϐολαί· σὺ γὰρ ἐν σεαυτῇ τὰ ϕάρμακα ἔχεις [6]. Rex Philippus deperibat Thessalicam quandam mulierem, quæ veneficio eum circumvenisse dicebatur : operam dedit Olympias, ut eam in suam redigeret potestatem : cùm in conspectum ea reginæ venisset, neque forma tantùm videretur egregia, sed et collocuta esset neque abjectè neque imprudenter : « Facessant, inquit Olympias, calumniæ : tibi tua in teipsâ sunt reposita veneficia. » Voilà pour l’article de la conquête du cœur. L’autre article, qui est celui de l’argent, fait naître quelques soupçons, non pas de magie, mais d’avarice. On a de la peine à croire que ce mariage n’ait pas été un sacrifice à des raisons d’intérêt. Ne condamnons pas néanmoins Apulée sans l’entendre. Il offre de prouver par son contrat de mariage qu’il ne se fit rien donner par Pudentilla ; mais qu’il se fit seulement promettre une somme assez modique, en cas qu’il lui survécût, et en cas qu’il vînt des enfans de leur mariage. Il fait voir par plusieurs faits combien sa conduite avait été désintéressée, et combien il était raisonnable qu’il exigeât de sa femme la somme qu’elle lui avait promise. C’est là, qu’en pleine audience, il est obligé de faire des confes-

  1. Voyez l’application qui est faite de ce passage dans les Nouvelles de la République des lettres, septembre 1685, article VII.
  2. Apul., Floridor., pag. 341.
  3. Idem, Apol., pag. 284.
  4. Idem, ibid., pag. 320.
  5. Idem, ibid., pag. 291.
  6. Plutarch., in Præcept. conjug., pag. 141, B. Voyez la remarque (L) de l’article Grandier.