Page:Bayle - Dictionnaire historique et critique, 1820, T02.djvu/224

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
214
APULÉE.

sions dont Pudentilla se serait très-bien passée. Il dit qu’elle n’était ni belle ni jeune, ni un sujet qui pût tenter en nulle manière de recourir aux enchantemens, et qu’il ne faudrait pas s’étonner qu’elle eût fait de grands avantages à un homme comme lui : Quod institui pergam disputare, nullam mihi causam fuisse Pudentillam veneficiis ad nuptias prolectandi. Formam mulieris et ætatem ipsi ultrò improbaverunt, idque mihi vitio dederunt talem uxorem causâ avaritiæ concupisse, atque adeò primo dotem in congressu grandem et uberem rapuisse [1]... Quanquàm quis omnium vel exiguè rerum peritus culpare auderet, si mulier vidua et mediocri formâ, at non ætate mediocri, nubere volens, longâ dote et molli conditione invitâsset juvenem neque corpore, neque animo, neque fortunâ pœnitendum.....? [2]. Il dit que Pontianus fils de Pudentilla ne lui proposa le mariage de sa mère que comme une charge, et comme une action d’ami et de philosophe ; je veux dire une action plus convenable à un bon ami de Pontianus, et à un philosophe, que ne serait pas d’attendre un parti où il pût trouver en même temps les richesses et la beauté : Confidere sese fore ut id onus recipiam, quoniàm non formosa pupilla, sed mediocri facie mater liberorum mihi offeratur. Sin hæc reputans formæ et divitiarum gratiâ me ad aliam conditionem reservarem, neque pro amico neque pro philosopho facturum [3]. relève extrêmement les avantages d’une fille sur une veuve. « Une belle fille, dit-il, quelque pauvre qu’elle soit, vous apporte une grosse dot, un cœur tout neuf, la fleur et les premières épreuves de sa beauté. C’est avec une grande raison que tous les maris font un si grand cas de la fleur du pucelage. Tous les autres biens, qu’une femme leur apporte, sont de telle nature, qu’ils peuvent les lui rendre s’ils ne veulent point lui avoir de l’obligation ; elle peut les retirer, elle peut les recouvrer : celui-là seul ne se peut rendre ; il reste toujours au pouvoir du premier époux. Si vous épousez une veuve, et qu’elle vous quitte, elle remporte tout ce qu’elle vous a apporté, vous ne pouvez point vous vanter de retenir quoi que ce soit qui lui ait appartenu. » Il remarque plusieurs autres inconvéniens des mariages avec des veuves, et il conclut qu’il en aurait coûté bon à Pudentilla, pour se marier, si elle n’avait pas trouvé en lui une humeur de philosophe : Virgo formosa, etsi sit oppidò pauper, tamen abundè dotata est. Affert quippé ad maritum novam animi indolem, pulchritudinis gratiam, floris rudimentum. Ipsa virginitatis commendatio jure meritoque omnibus maritis acceptissima est. Nam quodcunque aliud in dotem acceperis, potes cùm libuit ne sis beneficio obstrictus omne ut acceperas retribuere ; pecuniam renumerare, mancipia restituere, domo demigrare, prædiis cedere. Sola virginitas cùm semel accepta est reddi nequitur : sola apud maritum ex rebus dotalibus remanet. Vidua autem qualis nuptiis venit, talis divortio digreditur. Nihil affert irreposcibile, sed venit jam ab alio præflorata : certè tibi, ad quæ vedis, minimè docilis : non minùs suspectans novam domum, quàm ipsa jam ob unum divortium suspectanda : sive illa morte amisit maritum, ut scævi ominis mulier, et infandi conjugii minimè appetenda ; seu repudio digressa est, utramvis habebat culpam mulier : quæ aut tam intolerabilis fuit ut repudiaretur, aut tam insolens, ut repudiaret. Ob hæc et alia viduæ dote auctæ procos sollicitant. Quod Pudentilla quoque in alio marito fecisset, si philosophum spernentem dotis non reperisset [4].

Il y aurait bien des réflexions à pousser sur ce discours d’Apulée, si l’on n’avait autre chose à faire que cela ; mais, quelque pressé que je sois de passer à d’autres articles, je dirai pourtant deux choses : l’une, que ce bien, que l’on ne retire jamais d’entre les mains d’un mari, est fort chimérique : il n’y a ni boulanger ni boucher qui voulût faire crédit de cinq sous sur cette impérissable possession ; l’autre, qu’Apulée n’avait pas considéré selon toutes leurs espèces les désavantages des veuves. Il n’a rien dit des veuves qui

  1. Apuleius, Apol., pag. 331.
  2. Idem, ibid., pag. 332.
  3. Idem, ibid., pag. 320.
  4. Idem, ibid., pag. 352.