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APULÉE.

qui sont nés pour composer, profiteraient beaucoup de bonne heure à une telle critique.

(N) Quelques païens ont parlé de son roman avec mépris. ] Je n’en veux point d’autre preuve que la lettre où l’empereur Sévère se plaint au sénat des honneurs qu’on avait rendus à Clodius Albinus. On lui avait donné entre autres louanges celle de savant. L’empereur ne pouvait souffrir qu’une telle louange eût été donnée à un homme qui s’était uniquement rempli l’esprit des contes et des rapsodies d’Apulée : Major fuit dolor quòd illum pro litterato laudandum plerique duxistis, quùm ille næniis quibusdam anilibus occupatus inter Milesias punicas Apuleii sui, et ludicra litteraria consenesceret [1]. Macrobe a renvoyé aux nourrices tous les romans semblables à l’Âne d’or d’Apulée : Vel argumenta fictis casibus amatorum referta quibus vel multùm se arbiter exercuit, vel Apuleium nonnunquàm lusisse miramur. Hoc totum fabularum genus quod solas aurium delicias profitetur, è sacrario suo in nutricum cunas sapientiæ tractatus eliminat [2].

(O) Il avait été extrêmement laborieux. ] Voyez ce qu’il dit lui-même, quand il répond à son adversaire, sur le chapitre de l’éloquence : De eloquentiâ verò, si qua mihi fuisset, neque mirum neque invidiosum deberet videri, si ab ineunte ævo unis studiis litterarum ex summis viribus deditus, omnibus aliis spretis voluptatibus, ad hoc œvi, haud sciam anne super omnes homines impenso labore, diuque noctuque, cum despectu et dispendio bonæ valetudinis, eam quæsissem [3].

(P) Il avait composé plusieurs livres. ] Voyez la dissertation de Vitâ et Scriptis Apuleii, que Wower a mise à la tête de son édition, et que M. Fleuri, scoliaste dauphin, a fait imprimer à la tête de la sienne. On peut dire qu’Apulée était un génie universel : il y a peu de sujets qu’il n’ait maniés. Il a traduit le Phédon de Platon, et l’Arithmétique de Nicomachus : il a écrit de Republicâ, de Numeris, de Musicâ ; on cite ses Questions de table, ses Lettres à Cérellia, qui étaient un peu bien libres ; ses Proverbes, son Hermagoras, ses Ludicra. Il parle lui-même de ce dernier. Legerunt, dit-il [4], è Ludicris meis epistolium de dentifricio, versibus scriptum. Nous avons encore son Âne d’or, en onze livres, son Apologie, ses Traités de Philosophiâ naturali, de Philosophiâ morali, de Syllogismo categorico, de Deo Socratis, de Mundo, et ses Florida. Quant à ses Lettres à Cerellia, je ne veux point omettre la pensée d’un savant critique [5]. Il croit que le nom de Cicéron doit être inséré dans le passage d’Ausone où il est parlé de ces lettres ; car c’est à Cicéron qu’on a reproché d’avoir eu des liaisons peu louables avec Cérellia, et de lui avoir écrit trop librement. Sur ce pied-là, il faut lire ainsi dans Ausone : Esse Apuleium in vitâ philosophum, in epigrammatis amatorem, Ciceronis in præceptis omnibus exstare severitatem, in epistolis ad Cærelliam subesse petulantiam.

(Q) Plusieurs critiques ont publié des notes sur Apulée. ] Philippe Beroalde en publia de fort amples sur l’Âne d’or, à Venise, in-folio, l’an 1504, qui ont été réimprimées plusieurs fois in-8o., à Paris et en d’autres lieux. Godescalc Stewechius, Pierre Colvius, Jean Wower, etc. ont travaillé sur toutes les œuvres d’Apulée. Priceus a publié à part l’Âne d’or et l’Apologie, avec quantité d’observations [6]. Les notes de Casaubon, et celles de Scipion Gentilis, sur l’Apologie, sont estimées. Celles-là parurent l’an 1594 ; et celles-ci l’an 1607. La meilleure édition du livre de Mundo est celle de Leyde, en 1591, in-8o. Nous la devons à Bonaventure Vulcanius. Disons, en passant, que ce traité-là n’est presque que la traduction d’un pareil ouvrage attribué à Aristote. Le livre de Deo Socratis a paru avec les notes de Josias Mercerus [7]. L’auteur que je cite vous instruira plus amplement

  1. Jul. Capitulin., in Clodio Albino, cap. XII.
  2. Macrobius, Saturnalium lib. I, cap. II.
  3. Apul., in Apolog., pag. 276.
  4. Idem, ibid.
  5. Fredericus Gronov., in Auson. Cent. Nuptial., in editione Ausonii, Amstelodami, anno 1671, pag. 516.
  6. L’Apologie, à Paris, en 1635, in-4o., l’Âne d’or, à Gouda, en 1650, in-8o.
  7. À Paris, en 1624, in-12.