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ARAGON.

buena ? Y ansi de donna Maria su hermana, marguesa del Vasto ? Y de donna Isabel de Gonzaga, su nuera [1] ? Donna Maria d’Aragon, sœur de Jeanne, était femme d’Alphonse d’Avalos, marquis du Guast, l’un des meilleurs capitaines de Charles-Quint. Sorbière la nomme marquise de Vasco, et la met parmi les femmes savantes [2]. Brantome, qui l’a fort louée, la mise entre les beautés qui durent long-temps ; car après avoir rapporté les douceurs dont le grand-prieur de France la régala dans une nombreuse compagnie : Que son automne surpassoit tous les printemps et étez qui étoient en cette salle, il ajoute, Comme de vray, elle se montroit encore une très-belle dame et fort aimable ; voire plus que ses deux filles, toutes belles et jeunes qu’elles étoient : si avoit-elle bien alors près de soixante bonnes années [3]. Le grand-prieur [4] en fut aussitôt épris ; mais, quoiqu’il aimât fort la mère, il prit pour sa maîtresse la fille aînée, por adombrar la cosa. Au bout de six ans ou plus, Brantome, étant retourné à Naples, ne la trouva que fort peu changée, et encore aussi belle qu’elle eust bien fait, dit-il, commettre un péché mortel, ou de fait, ou de volonté. Elle mourut à Chiaia, dans la maison de don Garzias de Tolède, le 9 de novembre 1568 [5]. Je ne me souviens point d’avoir remarqué que Brantome ait jamais fait mention de la sœur de celle-ci. Il est vrai qu’il parle quelque part de la femme d’un Ascanio Colonne, qui passait pour la plus grande beauté d’Italie, et que barberousse tâcha d’enlever, pour en faire présent au grand-seigneur ; mais il la nomme la signora Livia [6] Gonzaga [7]. Ce n’est dont point celle dont il s’agit en cet article, quoique la manière dont Augustin Niphus a parlé de sa beauté puisse faire juger qu’elle n’était pas moins propre que l’autre à s’attirer une semblable algarade de Barberousse. M. de Thou a parlé de cette Marie d’Aragon : il a dit que l’île d’Ischia était principalement considérable pour avoir été le lieu de retraite de cette dame : Dragutes.…. Ænariam insulam arce munitissimâ, quæ inter duas terras saxo imposita est, sed maximè Mariæ Aragoniæ Alfonsi Avali Vastii viduæ secessu nobilem petit [8].

Le même Jérôme Ruscelli, dont j’ai parlé ci-dessus, qui s’employa avec tant de zèle à immortaliser Jeanne d’Aragon, se mit en grands frais pour faire que les louanges de Marie retentissent de toutes parts. Il ne se contenta pas de se servir des expressions les plus fortes que son imagination lui pût suggérer, pour peindre les perfections de cette dame : il recueillit encore plusieurs pièces de poésies où elle avait été encensée par les plus beaux esprits du temps ; et il les fit imprimer à la fin de son Commentaire sur un sonnet de Jean-Baptiste d’Azzia, marquis della Terza. Ce sonnet fut composé à la louange de l’illustrissima ed eccellentissima signora la signora donna Maria d’Aragona, marchesa del Vasto. Ce Commentaire de Ruscelli fut imprimé à Venise, l’an 1552, in-4o., per Giovan Griffio, et contient 73 feuillets. La marquise y est représentée comme la Beauté archétype, et le Criterium Formæ : de sorte qu’au dire du commentateur, le vrai moyen de connaître si les autres femmes sont plus belles les unes que les autres, est de voir si elles ressemblent plus ou moins à celle-là : Secondo che in altre vedrà le fatezze del volto e di tutto il corpo che abbian somiglianza, o s’avicino poco o molto a quelle di lei, così giudicare che le bellezze di quelle tali sieno più o meno perfette, come del Paragon dell’ oro abbiam detto. E da tale essempio, o idea, o più tosto vero archetipo qui in terra della vera bellezza corporale, formar poi le regole, le ragioni, de misure, i gradi, e le proportioni della bellezza intera e per-

  1. Joan. de Spinosa, Dialogo en laude de las Mugeres, folio 98 verso.
  2. Sorbière, Lettre XV, pag. 73.
  3. Brantome, Dames galantes, tom. II, pag. 243, 245.
  4. C’était François de Lorraine, général des galères, fils de Claude, premier duc de Guise. Ce voyage de Naples se fit l’an 1559.
  5. Tomaso Costo, Compendio dell’ Istoria del Regno di Napoli, part. III, folio 59.
  6. Il devait dire Julie. Nous en parlerons sous le mot Gonzague.
  7. Brantome, Dames illustres, pag. 283.
  8. Thuan., Historiar. lib. XI, ad ann. 1552, pag. 222.