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ARAGON.

fetta [1]. Il ne l’a fait pas moins belle quant à l’âme que quant au corps, et il dit que le Giraldi ayant eu l’honneur de la voir et de l’entendre parler, demeura tout interdit pendant quelque temps, et incertain si elle était plus aimable à cause de sa beauté, qu’adorable à cause de son esprit : Al cospetto di questa divinissima signora condottosi gia il signor Giovan Battista Giraldi Cinthio, e contemplando attentissimamente l’una e l’altra bellezza che a gli occhi del corpo e a quei della mente gli si rappresentavano, della vera bellezza del volto dallo splendor de gli occhi, dalla soavità della favella, dalla leggiadria e maestà del sembiante, e dalla maraviglia de’ modi e delle maniere veramente angeliche, stette lunga pezza tra se stesso attonito, e stupefatto, e dalla somma bellezza del corpo, che primieramente s’offeriva a gli occhi suoi, dovea tosto resolversi, che questa fosse da lui da amarsi sopra ogn’altra cosa mortale. Poi passando subito col pensiero a quella dell’ animo, che gli si rappresentava per quei modi e per quelle maniere gia dette, si mutava di opinione, et risolveasi, che quella sola bellezza dell’ animo dovesse, come cosa divina e celeste, con intera humiltà e divozione adorarsi [2]. Le madrigal qu’il composa sur ce problème se trouve à la suite de ce passage.

(H) Un galant auteur... consacra plusieurs images à son temple. ] Ce fut Giuseppe Betussi. Il publia à Florence, en 1566, un dialogue intitulé le Imagini del Tempio della Signora Donna Giovanna Aragona. C’est un livre de 121 pages, où les éloges de plusieurs personnes du beau sexe sont mêlés adroitement avec ceux de la déesse du temple.

(D) Voici de nouvelles particularités des brouilleries qui l’obligèrent à s’enfuir de Rome, l’an 1556. ] Voici ce que je trouve dans l’histoire du duc d’Albe, imprimée en latin à Salamanque, l’an 1669, et en français, à Paris, l’an 1699. « Jeanne d’Aragon, mère de Marc-Antoine Colonne, duchesse douairière de Palliane,... était restée à Rome ; et les Caraffes, qui la gardaient à vue, la retenaient, s’il faut ainsi dire, pour otage. Comme la trêve les rendit moins soupçonneux, et que les chemins demeurèrent libres, la duchesse sortit de Rome, avec ses deux filles, à pied, feignant de s’aller divertir dans une vigne située à quelque distance des remparts. Quoiqu’elle fût déjà fort âgée, elle continua de marcher à pied, jusqu’à ce qu’elle fût hors de la vue de la garde de la porte, et de la sentinelle ; après quoi, elle monta à cheval, et y fit monter ses deux filles, que deux cavaliers montés en trousse tenaient embrassées. Dans cet équipage, indigne d’elle, mais fort convenable à sa fortune présente, elle se réfugia au camp. Le duc d’Albe l’y reçut avec une joie indicible. Comme le grand âge de cette dame ne laissait aucun soupçon, il l’embrassa, et se contenta de saluer ses deux filles, qui se découvrirent par respect. Il me semble, lui dit-il en l’abordant, que je vois cette fameuse Clélie, qui fuit, non du camp des ennemis, dans sa ville, poussée à cela par le seul amour de sa patrie ; mais de la ville dans le camp, portée à cette fuite par la force de l’amour maternel... La duchesse de Palliane fut charmée de l’honnêteté du général espagnol, et elle le lui témoigna par mille remercîmens : néanmoins elle ne put se résoudre à demeurer au camp, l’âge de ses filles ne le permettant point. Le duc y consentit : elle se retira dans la Campanie, accompagnée de son fils, et escortée par un escadron de cavalerie, que le vice-roi lui donna par honneur, et nullement par besoin [3], »

Il faut dire quelque chose des malheurs de son mari. Il était prisonnier dans le Château-Neuf de Naples, accusé, par son propre fils d’hérésie et de conspiration contre sa majesté catholique [4] ; et lorsque le duc d’Albe arriva à Naples, l’an 1556, il le fut voir dans sa prison [5], et l’écouta tant qu’il eut quelque chose à lui

  1. Rascelli, Lettura sopra un Sonetto dell’ illustriss. Signor Marchese della Terza alla divina Signora Marchesa del Vasto, folio 57.
  2. Ruscelli, là même.
  3. Vie du Duc d’Albe, liv. IV, chap. XIX, pag. 381, à l’année 1556.
  4. Là même, chap. II, pag. 341.
  5. Là même, pag. 342.