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ARAGON.

dire,... consola ce bon vieillard autant qu’il lui fut possible, lui donna le château pour prison, ayant été jusqu’alors renfermé dans une tour assez étroite, soulagea la misère à laquelle il était réduit, tant de l’argent de sa bourse, que lui assignant une bonne pension sur les biens de son fils.... Il ne lui rendit pas néanmoins la liberté : ses accusations se soutenaient par un trop grand nombre d’apparences, et bien des gens les croyaient très-bien fondées. D’ailleurs, il n’aurait point obligé Philippe, qui tint Ascagne dans la prison le reste de ses jours, sans néanmoins lui avoir ôté les agrémens que le duc avait eu la bonté de lui accorder.

L’historien remarque que ce fait [1] n’a jamais été bien approfondi ; et il blâme Noël le Comte, qui accuse le duc d’Albe d’avoir exercé beaucoup de rigueur contre le père de Marc-Antoine Colonne.

(K) Elle était fille de Ferdinand d’Aragon, duc de Montalto. ] Antoine, son fils, lui succéda à la duché de Montalto, et épousa Hippolyte della Rovere, et puis Antoinette de Cardona, et fut père d’un autre Antoine. Celui-ci, quatrième duc de Montalto, fut marié à Marie de la Cerda, fille du duc de Médina Celi, et puis à M. Louise de Luna. Il eut plusieurs enfans, qui moururent jeunes, excepté une fille, nommée Marie, qui fut héritière de la duché de Montalto, et mariée en Sicile à don Francois de Moncade, prince de Paterno [2].

  1. C’est-à-dire, l’accusation d’Ascanio Colonna.
  2. Tiré d’un Mémoire communiqué par M. Minutoli.

ARAGON (Isabelle d’), fille d’Alfonse, duc de Calabre, fils de Ferdinand, roi de Naples, fut femme de Jean Galeas Sforce, duc de Milan. Ce duc était sous la tutelle de Louis Sforce son oncle, avant son mariage, et n’y fut pas moins depuis qu’il eut épousé Isabelle d’Aragon, l’an 1489 [a], avec beaucoup de magnificence (A). Les conseils de cette princesse, aussi ambitieuse que belle, lui donnèrent le courage de témoigner qu’il voulait jouir pleinement de tous ses droits [b] ; mais il avait affaire à forte partie : son tuteur était l’homme du monde le plus intrigant, et le plus capable de se soutenir contre les justes prétentions de son neveu. Il était devenu amoureux de la princesse Isabelle la première fois qu’il la vit ; et comme elle n’était encore l’épouse de Jean Galeas que par procureur, il ne désespéra point de l’épouser, à l’exclusion de son neveu. Il s’ouvrit de ce dessein à cette princesse, et l’assura qu’elle commanderait plus certainement si elle l’épousait, que si elle était la femme de Jean Galeas. Cette proposition fut rejetée fièrement. Le tuteur ne se rebuta pas : il fit en sorte que son neveu ne consommât point le mariage ; et l’on dit même qu’il se servit pour cela d’une ligature magique (B). En même temps, il fit négocier à la cour de Naples son mariage avec Isabelle. Ferdinand paraissait y donner les mains ; mais le duc de Calabre ne voulut point y consentir [c]. Louis Sforce fut donc obligé de livrer la proie à Jean Galeas ; mais il ne renonça point à la vengeance, et il se destina pour principale victime Isabelle d’Aragon. Il lui retrancha diverses choses qui flattaient son goût ou son divertissement [d], et il épousa une princesse, qui lui

  1. Corio, Histor. di Milano, parte VI, pag. 879, editione dell’ an. 1646, in-4o.
  2. Varillas, Histoire de Charles VIII, liv. II, pag. 157.
  3. Là même, liv. III, pag. 210, 211.
  4. Là même, liv. II, pag. 157.