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ARAGON.

me, pour achever la tragédie, se jeta aux pieds du roi, selon les auteurs italiens, qui sont en cela plus croyables que Comines, qui veut que ce fût aux pieds de Louis Sforce. Elle était trop fière pour s’abaisser jusque-là ; et, quand elle aurait pu s’y résoudre, elle n’était que trop convaincue que sa soumission serait inutile. Elle ne parla pas de ses enfans, parce qu’elle supposa que les larmes de son mari auraient eu leur effet en ce point : elle employa les siennes pour son père, et le roi ne lui repartit autre chose, sinon que l’expédition de Naples était trop avancée pour la laisser imparfaite [1]. »

(E) On a eu beau dire que Jean Galeas était mort de trop caresser sa femme, la tradition de son empoisonnement a prévalu. ] Guicciardin avoue que l’on publia cela ; mais il ne laisse pas de donner pour l’opinion générale de toute l’Italie, que ce prince mourut du poison que Louis Sforce lui avait fait avaler : Fu publicato da molti la morte di Giovan Galeazzo essere proceduta da coito immoderato ; nondimeno si credette universalmente per tutta Italia, che e’ fusse morto, non per infermità naturale nè per incontinentia, ma di veleno : e Teodoro da Pavia, uno de’ medici regii, il quale era presente quando Carlo lo visitò, affermò averne veduto segni manifestissimi. Ne fu alcuno, che dubitasse che se era stato veleno, non gli fusse stato dato per opera del zio [2]. Jovien Pontan assure que tout le monde parlait hautement de ce crime abominable de Louis Sforce : Ludovicum Sfortiam qui pubescentem primò, dein adolescentem jam ætatem Joannis Galeatii fratris filii Mediolanensis ducis procuratione hactenùs ac patrocinio tutatus est suo, veneno illumè medio sustulisse cives, advenæ, peregrini, passìm atque impunè omnes prædicant.... Fora, porticus, plateæ, circulique infimorum cujusque generis hominum nefandi criminis accusationibus..... imprecationibus etiam maximè diris plena undiquè circumsonant [3]. La foule des historiens va là, un Bernardin Corio [4], un Pierre Bembus [5], un Vianoli [6], etc.

(F). Elle perdit dans l’espace de quelques années son aïeul, son mari, son père, son frère, son oncle, son fils. ] Paul Jove décrit éloquemment cette longue suite de malheurs ; mais il n’a pas toujours observé l’ordre : il a mis la mort du mari avant celle de l’aïeul. Quant au fils de notre princesse, il dit que les Français l’enlevèrent à sa mère, et le transportèrent en France, pour en faire un moine, et qu’une chute de cheval lui causa la mort : In venatione currentis equi lapsu in Heduis exanimatus esse nunciaretur. Hunc enim vel invita deposcentibus Gallis tradiderat, à quibus cucullati sacerdotis habitu in opulenti sacerdotii cœnobium idcircò conjectus fuerat, ne Sforziani regni legitimæ prolis hæres superesset [7]. Bernardin Corio fait une description touchante de la douleur où cette princesse fut plongée, lorsqu’elle vit tout à la fois son mari dans le tombeau, son fils exclus de la duché de Milan, et la femme de Louis Sforce sur le trône : Li suoi fautori gridando duca, visito (Ludovico) il tempio di divo Ambrosio, e le campane in segno di letitia fece sonare, il morto corpo di Giovanne Galeazo ancora essendo nel domo scoperto, e quasi universalmente da tulli pianto e condoluto il miserando e pietoso caso. Isabella sua mugliere a Pavia con li proverti figlioletti vestiti di lugubre vestimenti, come pregionera si recluse entro una camera, e gran tempo stette giacendo sopra la dura terra, che non vide aere. Doverebbe pensare ogni lettore l’acerbo caso della sconsolata duchessa, e se più duro il cuore avesse che diamante, piangerebbe a considerare qual doglia dovea essere quella de la sciagurata e infelice mugliere, in uno punto vedere la morte del giovanetto e bellissimo consorte, la perdita de tutto lo imperio suo, e li figlioletti a canto orbati de ogni bene, il patre e fratello con la casa sua expulsi dal Neapolitano Reame, e Ludovico Sforza con Bea-

  1. Varillas, Histoire de Charles VIII, liv. III, pag. 253.
  2. Guicciardini, lib. I, p. 27, all’ ann. 1494.
  3. Jov. Pontan., de Prudentiâ, lib. IV, init.
  4. Corio, Historia Mediolan., part. VII.
  5. Petr. Bembus, Hist. Venet., lib. II, folio 30.
  6. Vianoli, Histor. Venet., part. II, pag. 20.
  7. Jovius, Elogior. lib. V, pag. 422.