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ARAGON.

trice sua mugliere nel modo dimostrata havergli occupata la signoria.

(G) Elle donna prise aux médisances quand elle fut sur le retour, et souffrit les galanteries de Prosper Colonne avec très-peu d’égards pour la renommée. ] Paul Jove m’apprend cela dans l’éloge qu’il a fait de cette princesse. Il le finit par un au reste, qui contient le cas : Cæterùm, in hâc eximiæ virtutis feminâ improbæ plebis rumor non mediocriter pudoris decus perstrinxit, ob id gravior quòd quùm fiorente ætate impenetrabilem pudicitiam prætulisset, in ipso demùm ætatis flexu Prosperum Columnam sibi cultum et officium assiduè tribuentem, sæpèque procacem ad urbaniores jocos admitteret [1].

(H) Bonne Sforce, sa fille,....... suivit l’exemple maternel. ] M. de Thou dit beaucoup plus de mal de la fille, que Paul Jove de la mère. Chacun en pourra juger par la confrontation des passages : Eodem tempore, Bona Sfortia, Sigismundi Augusti Poloniæ regis parens...... filii pertæsa, Sarmatiâ relictâ, in Italiam venit, et honorificè Venetiis excepta est...... undè paratam triremem conscendens in Apuliam ad Barium navigavit, cujus urbis possessio gentilitio Aragoniæ gentis jure dotale et hæreditarium illi erat [2]. Ibi solutè et dissentiente à priore vitâ ratione posteà vixit, consuetudine cujusdam Papacaudæ non satis honestè usa, cui et omnia bona testamento præteritis liberis reliquit, et fumâ ac bonis decoctis haud multò post in summâ egestate et infamiâ decessit [3]. Voilà ce que dit M. de Thou de la reine douairière de Pologne. Il prétend qu’après avoir fait banqueroute et de biens et de réputation, elle mourut dans la pauvreté et dans l’infamie. Que saurait-on ajouter à cet éloge ?

  1. Jovius, Elogior. pag. 424.
  2. M. Varillas, dans l’Histoire de Louis XII, liv. I, pag. 47, dit que Louis Sforce, se voyant contraint de sortir de la duché de Milan, transporta à la duchesse Isabelle le duché de Barri et la principauté de Rossano, qui lui avaient été donnés pour récompense d’avoir rétabli la maison d’Aragon sur le trône de Naples.
  3. Thuanus, Histor., lib. XVI, ad ann. 1555, pag. 326.

ARAGON (Marie d’), femme de l’empereur Othon II, et fille d’un roi d’Aragon, se diffama terriblement par ses impudicités, qui enfin la précipitèrent dans le supplice du feu. Elle avait eu l’adresse de se procurer pour femme de chambre un jeune homme qu’elle aimait, et qu’elle fit déguiser en fille [a]. Il ne faut pas demander si elle usa de modération : son tempérament, et la perpétuité des occasions, disent assez que sa prétendue femme de chambre ne manquait pas d’exercice, et qu’elle était de tous les voyages de la cour. L’empereur, s’étant aperçu de cette vilaine supercherie, en voulut faire la honte toute entière à l’impératrice ; et pour cet effet, en présence de plusieurs témoins, il fit dépouiller le jeune homme ; et, sur la découverte incontestable de son sexe, il le fit condamner au feu. Il fut assez débonnaire pour ne punir point sa femme : il espéra qu’elle se corrigerait à l’avenir ; mais il se trompa : elle devint éperdument amoureuse d’un jeune conte auprès de Modène, et lui fit promptement sa déclaration ; car elle était beaucoup plus en possession de solliciter, que d’être sollicitée sur cette sorte d’affaires. Le comte, aussi chaste que beau, résista à toutes les avances, ou pour mieux dire à toutes les violentes attaques qui lui furent faites ; mais, si en cela il ne fit qu’imiter Joseph, il n’eut pas le même bonheur que

  1. Secum muliebri habitu circumduxit juvenem quocum congrediebatur quotidiè, quandoquidem eâ pro cubiculariâ utebatur ; c’est-à-dire, elle menait avec elle le jeune homme déguisé en femme, et lui ordonnait chaque jour le congrès ; car elle le faisait passer pour sa femme de chambre. Munsteri Cosmographia, lib. III.