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ARCÉSILAS.

τῳ [1]. Eleganti formâ et commodâ adhuc ætate cùm esset, Crantorem academicum amatorem nactus, ejus consuetudine usus est ille quidem. ajoute que les leçons de Ménedème le rendirent un disputeur plus ardent, et il cite Timon [2]. Voilà bien des omissions dans la liste que Diogène Laërce nous a laissée des maîtres d’Arcésilas. J’y ai suppléé.

(C) Il se plut extrêmement à la lecture d’Homère. ] Il le préférait à tous les autres : il en lisait quelque chose tous les soirs, avant que de s’endormir ; et il disait le matin, en se levant, je m’en vais voir ma maîtresse [3] ; cela signifiait qu’il allait lire ce poëte : Ἀπεδέχετο δὲ πάντων μᾶλλον Ὅμηρον, οὗ καὶ εἰς ὕπνον ἰὼν πάντως τὶ ἀνεγίνωσκεν. ἀλλὰ καὶ ὄρθρου λέγων ἐπὶ τὸν ἐρώμενον ἀπιέναι, ὁπότ᾽ ἂν βούλοιτο ἀναγνῶναι [4]. Amplectebatur Homerum maximè ex omnibus, cujus adeò studiosus erat, ut semper ante somnum ejus aliquid legeret. Manè quoque cùm surgeret, dicens, se ad amasium ire, cùm se velle legere innueret.

(D) Il succéda à Cratès dans la régence de l’école platonique [5]. ] Il y a bien des auteurs qui, sans parler de ce Cratès, mettent notre Arcésilas immédiatement après Polémon. Voyez la note d’Aldobrandin sur un passage de Diogène Laërce [6], vous y lirez que ce savant commentateur n’avait trouvé nulle part que Cratès ait succédé à Polémon. Vous y trouverez aussi ces paroles de saint Augustin : Moritur Polemo, succedit ei Arcesilas, Zenonis quidem condiscipulus, sed sub Polemonis magisterio [7]. On peut joindre à ce passage celui de la lettre LVI : Iidem quippè academici qui Platonici, quod docet auditorum ipsa successio. Arcesilas enim, qui primus occultatâ sententiâ suâ nihil aliud istos quam refellere statuit, quære cui successerit ; Polemonem invenies : quære cui Polemon ; Xenocratem. Xenocrati autem discipulo academiam scholam suam reliquit Plato [8]. Il ne faut pas se fonder ici sur l’autorité de saint Augustin ; car il ne s’est pas attaché rigoureusement à l’exactitude ; et puisqu’il saute un degré entre Platon et Xénocrate [9], il en peut avoir sauté un autre entre Polémon et Arcésilas. Je n’insiste point sur son silence à l’égard de Crantor, académicien célèbre [10], qui paraît avoir été le successeur immédiat de Polémon, et qui mourut avant lui et avant Cratès [11]. Si le mot de successeur vous déplaît ici, dites que Crantor enseigna du vivant de Polémon. On assure la même chose de Cratès ; et de là vient que l’on dit tantôt que Crantor succéda à Polémon, tantôt que Cratès lui succéda, tantôt qu’ils furent tous deux ses successeurs ; mais pour l’ordinaire, on met Cratès après Crantor [12]. Encore un coup, je n’objecte point à saint Augustin l’omission de Crantor ; je m’imagine qu’on a tort de compter ce philosophe pour le successeur de Polémon : il mourut avant son maître ; et je trouve que Lacydès, successeur d’Arcésilas, fut le premier qui résigna pendant sa vie la succession de sa chaire [13]. Disons donc qu’il n’y eut que Cratès qui succéda à Polémon, et rejetons cette période du père Rapin : Cratès et Crantor, qui se suivirent dans l’école de Platon, ne changèrent rien à sa doctrine [14]. Il se serait moins trompé, s’il avait mis Crantor au premier rang ; Crantor, dis-je, mort avant Cratès. Un célèbre critique [15], en corrigeant un pas-

  1. Idem, ibid.
  2. Les deux vers de Timon qu’il cite sont plus corrects que dans Diogène Laërce.
  3. Pour n’accommoder au style de notre temps, j’ai quitté la traduction littérale.
  4. Diog. Laërtius, lib. IV, num. 31.
  5. Id., ibid., num. 32.
  6. Au commencement de la Vie de Cratès, liv. IV, num. 21.
  7. Sanctus Augustinus, lib. III, contrà Academicos.
  8. August., Epist. LVI, pag. 267. Eusèbe, Prépar. Evang., liv. XIV, pag. 736, dit qu’on dit qu’Arcésilas succéda à Polémon.
  9. Speusippus, fils d’une sœur de Platon, régit l’école avant Xénocrate.
  10. Crantor ille, qui in nostrâ Academiâ vel in primis fuit nobilis. Cicero, Tuscul. Quæstion., lib. III, cap. VI.
  11. Diog. Laërtius, lib. IV, num. 27.
  12. Voyez Gassendi, Operum tom. I, pag. 18, et Jonsius, de Script. Histor. Philosoph., pag. 52, ou plutôt Diogène Laërce, cité ci-dessous, citation (36).
  13. Diog. Laërt., in Lacyde, lib. IV, num. 60.
  14. Rapin, Compar. de Platon et d’Aristote, IVe. part., chap. I, pag. 365.
  15. Petrus Victorius. Voyez les Notes de Josias Mercerus sur Nonius Marcellus, pag. 193.