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ARCÉSILAS.

νων ἑαυτὸν, καὶ τεμνόμενος ὑϕ’ ἑαυτοῦ, ἀμϕότερα ἀλλήλων δυσκρίτως, καὶ τοῦ δέοντος ἀσκέπτως [1]. Affirmans simul idem, idemque negans, hinc, illinc, utrinque, vel undique potiùs subitò se temerèque versans ac revocans, incerti ambiguique sensus, veterator, præceps, atque ut ipsemet, adeò ingenuus est, confitetur, nihil omninò sciens.... hoc ut probro jucundissimo frueretur, eoque se nomine mirum in modum circumspiceret, quòd quid turpe quidve honestum, quid bonum quidve malum esset, ignoraret : sed potiùs, ubi quod primum. in mentem venerat effutisset, tum repentè mutatus, id ipsum pluribus quàm ante stabilierat, everteret. Seipsum igitur ille quasi Hydram secabat, et secabatur à se ipso, dum sic in utramque partem loqueretur, ut nec quid sibi vellet intelligeret : nec ullam ipse decori rationem haberet. Au reste, il reconnaissait le doigt de Dieu dans l’ignorance de l’homme ; car il louait beaucoup un vers d’Hésiode, où il est dit que les dieux tiennent l’esprit humain derrière le voile : Ἐπῄνει γοῦν Ἡσιόδου τουτί τὸ ἀπόϕθεγμα,

Κρύψαντες γὰρ ἔχουσι θεοὶ νόον ἀνθρώποισι [2].

(Oper. et Di., v. 42.)
Quarè laudabat illud Hesiodi,
Ignares hominum suspendunt numina mentes.

(F) Voici comment il a été combattu par un père de l’Église. ] Je veux parler de Lactance : il prétend ruiner toute la philosophie, en établissant avec Socrate que l’on ne peut rien savoir, et avec Zénon qu’il ne faut croire que ce que l’on sait : Si neque, sciri, dit-il [3], quicquam potest, ut Socrates docuit, nec opinari oportet, ut Zeno, tota philosophia sublata est. Il confirme sa prétention par le grand nombre de sectes en quoi la philosophie était divisée. Chacune s’attribuait la vérité et la sagesse, et donnait l’erreur et la folie en partage à toutes les autres. Ainsi, quelque secte particulière que l’on condamnât, on avait pour soi le suffrage des philosophes qui n’étaient point de celle-là : vous pouviez donc être assuré du suffrage du plus grand nombre, en les condamnant toutes ; car chacune en particulier aurait approuvé votre jugement par rapport à toutes les autres, et n’aurait pu vous opposer que le témoignage qu’elle se rendait à elle-même, juge en sa propre cause, et par conséquent, indigne de foi. Voilà de quelle manière Lactance détruit toutes les sectes de l’ancienne philosophie les unes par les autres : « Elles s’entr’égorgent, il n’en reste aucune en vie, dit-il : la raison en est, qu’elles ont bien une épée, mais non pas un bouclier ; elles ont des forces pour les guerres offensives, mais non pas pour les défensives. » Pereunt igitur universi hoc modo, et tanquam Spartiatæ illi poëtarum [4] sic se invicem jugulant, ut nemo ex ominibus restet. Quod eo fit, quia gladium habent, scutum non habent. di ergò singulæ sectæ multarum sectarum judicio stultitiæ convincuntur, omnes igitur vanæ, atque inanes reperiuntur. Ità se ipsam philosophia consumit, et conficit [5]. « Arcésilas voyant cela, continue-t-il, s’arma contre toutes, et fonda une nouvelle secte de philosophie, qui consistait à ne point philosopher. » Quod cùm intelligeret Arcesilas, academiæ conditor, reprehensiones omnium inter se collegit, confessionemque ignorantiæ clarorum philosophorum, armavitque se adversùs omnes. Ità constituit novam non philosophandi philosophiam [6]. Il y eut donc dès lors deux partis : l’un s’attribuait la science, l’autre la déchirait. Celui-là tombe par terre, si la nature des choses ne peut pas être connue ; celui-ci est perdu, si elle le peut : s’ils sont égaux, la philosophie ne laissera pas de périr ; car elle sera partagée : « Que si, comme je l’ai enseigné, la misère de notre condition ne permet pas qu’il y ait dans l’homme une science proprement dite, Arcésilas gagne la victoire ; mais il ne se soutiendra pas : il n’est point possible que l’on ne sache quelque chose ; on périrait

  1. Idem, ibid., cap. VI, pag. 730, C.
  2. Euseb., ibid., cap. IV, pag. 726, D.
  3. Lactant. Divin. Institution., lib. III, cap. IV, pag. 353.
  4. La note de Thysius sur ce mot est ridicule. Qui se invicem conficiunt, dit-il, sicut Cleomedes et socii apud Spartanos, teste Plutarcho. Ne voit-il pas que Lactance parle, non pas du temps historique, mais du temps mythologique, et de ces hommes qui naquirent des dents d’un serpent semées par Cadmus ?
  5. Lactant. Divin. Institution., lib. III, cap. IV, pag. 154.
  6. Idem, ibid.