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ARCHÉLAÜS.

Macédoine, on n’a pas dû dire que de la condition de chévrier il s’éleva sur le trône. C’est pourtant ce que Diogène le Cynique assure dans une harangue de Dion Chrysostome, Αἰπόλος ἧν Ἀρχέλαος [1]. Caprarius fuit Archelaüs. Notez ces paroles de Platon, qui nous apprennent ce qu’Archélaüs devait être selon les lois : Κατὰ μὲν τὸ δίκαιον δοῦλος ἦν Ἀλκέτου, καὶ εἰ ἐϐούλετο τὰ δίκαια ποιεῖν ἐδούλευσεν ἂν Ἀλκέτῃ [2]. Ipso jure Alcetæ servus erat, eoque si justa agere voluisset ipsi Alcetæ servisset.

(B) Il aima les lettres, et les beaux arts. ] C’est Solin qui le dit [3]. J’ai rapporté ses paroles dans la remarque (N) de l’article d’Euripide, au commencement. Joignez ce passage d’Élien. Ἦν δὲ ἄρα ὁ Ἀρχέλαος ἐρωτικὸς οὐχ ἧττον ἢ καὶ ϕιλόμουσος [4]. Archelaüs verò non minùs amoris quàm litterarum erat studiosus.

(C) Il fit...... peindre sa maison par Zeuxis. ] Socrate fit le censeur là-dessus : il dit que ce prince, qui avait tant dépensé pour embellir son palais, n’avait fait aucune dépense pour orner son âme. Aussi savons-nous, ajoutait-il, que quantité d’étrangers s’empressent de faire un voyage en Macédoine, afin de voir la maison du prince ; mais que personne n’y va, afin de le voir lui-même, hormis ceux qu’il attire par des présens. Or c’est une chose qui ne touche pas les hommes de bien [5]. Je crois qu’il ne s’était pas mis en peine de se guérir de son impudicité par la culture des Muses ; mais je suis sûr qu’en matière d’ornemens d’esprit ses progrès ne furent pas médiocres. Il semble même que, de l’un de ses bons mots, on puisse conclure qu’il avait fait des progrès dans la morale pratique. On l’animait un jour contre une personne qui avait jeté de l’eau sur lui. Ce n’est pas moi qu’il a mouillé, répondit Archélaüs, il a mouillé celui pour qui il n’a pris [6]. Aucun philosophe, raisonnant sur les priviléges de la conscience errante, n’a jamais rien dit de plus sensé. Tous les princes traiteraient ainsi les fautes involontaires, s’ils étaient bien raisonnables, ou si l’intérêt du public pouvait souffrir que, dans la pratique, l’on se réglât sur les idées de la raison [7]. Laissons cela, et revenons à Socrate. Par les paroles que j’ai rapportées, il déclarait malhonnêtes gens plusieurs personnes d’esprit, qui n’allaient en Macédoine qu’à cause d’Archélaüs. Euripide y alla-t-il pour d’autres sujets [8] ? Le bel Agathon, cet illustre poëte, et son amant Pausanias, et tant d’autres, n’y allèrent-ils pas uniquement pour cette raison ? Οὗτος ὁ Ἀγάθων..... Ἀρχελάῳ τῷ βασιλεῖ μέχρι τελευτῆς μετὰ ἄλλων πολλῶν συνῆν ἐν Μακεδονία [9]. Hic Agathon……. fuit apud Archelaüm Macedoniæ regem, unà cum aliis multis ad mortem usque.

(D) Socrate, qu’il tâchait de faire venir à sa cour, ne voulut pas y aller. ] Il y eut deux autres personnes que ce philosophe traita de la même sorte : il ne voulut, ni les aller voir, ni accepter leurs présens. Ὑπερεϕρόνησε δὲ καὶ Ἀρχελάου τοῦ Μακεδόνος, καὶ Σκώπα τοῦ Κρανωνίου, καὶ Εὐρυλόχου τοῦ Λαρισσαίου, μήτε χρήματα προσέμενος αὐτῶν, μητε παρ᾽ αὐτοὺς ἀπελθών [10]. Archelaüm prætereà Macedonem, et Scopam Cranonnium, Eurylochumque Larissæum, aspernatus est magno animo, cùm neque ab eis missas pecunias accepit, neque ad eos ipse proficisci voluit. Sénèque nous a conservé l’excuse dont Socrate se servit envers notre Archélaüs : « Je ne veux pas, dit-il, aller voir un homme de qui je recevrais des bienfaits, sans lui pouvoir rendre la pareille. » Archelaus rex Socratem rogavit ut ad se veniret : dixisse Socrates traditur, nolle se ad eum venire à quo acciperet beneficia, cùm reddere illi paria non posset [11]. Cette réponse de Socrate a été rapportée par Marc Aurèle, selon le même sens [12] ; mais Aristote

  1. Dio Chrysost., Orat. IV de Regno.
  2. Plato, in Gorgiâ, pag. 471, A.
  3. Solinus, cap. IX.
  4. Æliani Var. Hist., lib. II, cap. XXI.
  5. Ex Æliani Var. Hist., lib. XIV, cap. XVII.
  6. Plutarc., in Apophthegmat., pag. 177.
  7. Voyez dans les Nouvelles Lettres contre le calvinisme de Maimbourg, celles qui traitent de la conscience erronée.
  8. Æliani Var. Hist., lib. II, cap. XXI.
  9. Schol. Aristoph., in Ranas, v. 84 et 85.
  10. Diogen. Laërt., lib. II, p. 95, num. 25.
  11. Senec., de Benef., lib. V, cap. VI, pag. 96.
  12. Marcus Antoninus, τῶν εἰς ἑαυτὸν, lib. XI, sect. XXV. Notez qu’il suppose qu’elle fut faite à Perdiccas.