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ARÉTIN.

(C) Il a composé trois livres de la Guerre Punique, qui peuvent servir de supplément... à Tite-Live. ] Les deux premiers de ces trois livres [* 1] traitent de la première guerre Punique, qui nous manque dans Tite-Live ; le troisième traite des désordres où les Carthaginois tombèrent par la mutinerie des soldats, et par la révolte des peuples ; comme aussi de la guerre contre les Gaulois, et contre ceux d’Illyrie, toutes choses qui nous manquent dans l’historien Romain [1]. L’Arétin n’a presque fait que traduire le grec de Polybe, quoiqu’il l’a nié dans sa préface [* 2] ; et de là vient que Badius Ascensius a mis le nom de Polybe à la tête de cet ouvrage, dans son édition de Paris [2].

(D) .... celle des choses qui se firent de son temps en Italie. ] Cet ouvrage commence au schisme qui s’éleva contre le pape Urbain VI, en 1378, et s’étend jusqu’à la victoire remportée par les Florentins auprès d’Anglare, l’an 1440.

(E) .... celle de l’ancienne Grèce. ] Cet ouvrage s’étend depuis le généralat de Théramène et de Thrasybule chez les Athéniens, jusqu’à la mort d’Épaminondas. C’est comprendre quarante-cinq ou cinquante ans.

(F) On sut, par les soins de Christophe Persona, que Procope, et non pas notre Arétin, était l’auteur de l’histoire des Goths. ] Persona se détermina, selon Vossius, à traduire Agathias, quand il eut pris garde à la mauvaise foi de notre Arétin [3]. Vossius allègue sur cela Paul Jove ; mais il est certain que Paul Jove, ni dans le lieu qu’on en cite [4], ni dans un autre qu’on pouvait citer [5], ne parle aucunement d’Agathias, et qu’il y parle expressément de Procope. J’avoue que Persona a traduit aussi Agathias, mais c’est de la version de Procope que Vossius devait parler dans l’endroit où il s’agissait du plagiat de l’Arétin. C’est ainsi qu’il faut dire, ce me semble, et non pas plagianisme, comme a fait un auteur moderne, dont je vais rapporter tout le passage, à cause qu’il est plein d’erreurs. Nous devons, dit-il [6], l’histoire de Procope en grec à David Heschelius. Léonard Arétin l’avait déja donnée en langue gothique ; mais il avait supprimé le nom de l’auteur : de sorte que, quand cet Arétin fut mort, Christophle Personne l’accusa de larcin, parce qu’ayant lui-même trouvé un autre exemplaire de cette histoire en la même langue, il la divulgua sous le nom de son auteur, et ainsi convainquit l’Arétin de plagianisme. De quel monstre est-ce qu’il

  1. * Le livre d’Arétin est, dans l’édition de 1537, intitulé : Leonardi Aretini de bello Punico libri duo, quorum prior bellum inter Romanos et Carthaginienses primum continet, alter seditionem militis conductitii et populorum Africæ à Carthaginiensibus defectionem : bellum item Illyricum et Gallicum. Le premier livre porte pour titre particulier : de bello Punico liber primus ; l’autre : de bello Carthaginiensium cum Africanis et aliis sociis gesto ; item de Illyrico et Gallico liber secundus. Bayle en donnant trois livres à l’ouvrage de bello Punico, et en disant que les deux premiers traitent de la première guerre Punique, a copié une faute de Vossius qu’il cite plus bas. Cependant Nicéron, tom. 25, pag. 289, dit : « Il y a des éditions où cette histoire est divisée en trois livres. »
  2. * Maittaire (Annales Typograph., tom. IV, pag. 661) cite un Polybius historicus de primo bello Punico, latinè, Leonardo Aretino interprete, Brescia, 1498, in-folio, qui paraît être le même ouvrage que celui qui fut imprimé en 1537, et dont le titre est rapporté plus haut. Le titre de l’édition de 1498 n’annonce point l’intention de s’approprier le travail d’autrui. L’édition de 1537 ne contient pas de préface, du moins dans l’exemplaire que j’ai sous les yeux. Dans l’édition de la traduction de Tite-Live (par Berchoire) faite en 1515 et probablement dans la précédente qui est de 1486, on a inséré une traduction de l’ouvrage d’Arétin ; et dans le prologue de l’auteur, Polybe est nommé comme l’une des sources du livre. Le reproche adressé par Bayle à Arétin est donc mal fondé. Cette faute au reste n’est point de Bayle, mais de Vossius qu’il cite. Leduchat qui, le premier, a parlé de cette traduction d’Arétin, lui assigne la date de 1575. Ce n’est qu’une faute d’impression que Joly a copiée, sans rien dire suivant son usage. Cette traduction d’Arétin est dédiée à Charles VII, et Mercier de Saint-Léger dans ses notes manuscrites sur Duverdier l’attribue à un Jean de la Vesgue, auteur en effet d’une traduction de cet ouvrage que Duverdier et la Monnoie disent ne pas avoir été imprimée. Joly dit que dans la Bibliothéque de J.-A. de Chevannes on voyait le manuscrit d’une traduction française du de bello Punico, faite en 1445 par un Jean le Bègue, et qui fut présentée à Charles VII. Il est à croire que Jean le Bègue et Jean le Vesgue sont le même personnage. Joly dit encore que le père Montfaucon cite une autre traduction française du même livre, dédiée à Philippe duc de Bourgogne, et dont le manuscrit est d’environ 1460.
  1. Gesnerus, in Bibliothecâ.
  2. Vossius, de Histor. Latin., pag. 557.
  3. Idem, ibid., pag. 558.
  4. Il est au chap. CXVI des Éloges.
  5. Il est au chap. IX des Éloges.
  6. Le Gallois, Traité des plus belles Bibliothéques, pag. 169, (mal marquée 163.) édition de Paris, en 1680.