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ARÉTIN.

accioche, se i defetti con verità saranno in altri trovati, si vergognino, e vergognandosi, e mendandosi fuggano dal vitio alla virtù. Onde i rei divenuti buoni, abbraciati con essa virtù, si confermino nel bene. Del che quanto in cio l’humana repub. si avanzi ; lo giudichino quelli, che lo sanno meglio intender, ch’ io no’l so esprimere.

(G) On lui attribue mal à propos le livre de Tribus Impostoribus. ] Nous aurons peut-être occasion d’examiner amplement cette matière, et de faire voir qu’il y a très-peu d’apparence que ce livre ait jamais existé. M. l’abbé Nicaise, l’un des plus honnêtes hommes de ce siècle [1], qui a des habitudes avec tous les savans de l’Europe, au nombre desquels il tient une place très-honorable, eut la bonté de m’envoyer l’année passée [2], une très-curieuse dissertation de M. de la Monnoie, son compatriote [3], sur le livre de Tribus Impostoribus. Elle est remplie de remarques très-bien choisies, et mériterait extrêmement d’être imprimée [* 1]. M. de Beauval vient d’en donner un petit extrait [4]. L’auteur montre, par de très-fortes raisons, que ce livre est une pure chimère. Grotius a cru, et peut-être sur un mauvais fondement, que l’on a parlé de ce livre avant que l’Arétin fût au monde. Il dit que les ennemis de Fridéric Barberousse l’accusèrent d’avoir fait composer ce livre [5]. Il devait dire que Fridéric II fut accusé d’avoir dit que le monde avait été trompé par trois imposteurs [6]. Le bon père Mersenne a débité qu’un de ses amis, qui avait lu le livre en question, y avait reconnu le style de Pierre Arétin [7]. Chansons que tout cela. Néanmoins on ne saurait dire combien on promène cette proposition du père Mersenne.

(H) Je ne saurais croire qu’on ait gravé sur son tombeau l’épitaphe rapportée par M. Moréri. ] Il ne dit point positivement et précisément que cette épitaphe ait été gravée sur le tombeau de Pierre Arétin, dans l’église de Saint-Luc : mais il n’y a personne qui ne soit en droit de supposer que c’est ce qu’il a voulu dire ; car il s’est exprimé de cette manière : « Il mourut à Venise, où il est enterré dans l’église de Saint-Luc. Voici son épitaphe :

 » Condit Aretini cineres lapis iste sepultos,
 » Mortales atro qui sale perfricuit.
 » Intactus Deus est illi, causamque rogatus
 » Hanc dedit : ille, inqui, non mihi notus erat [8].


 » Elle est plus ingénieuse en italien. en ces termes :

 » Qui giace l’Aretin poëta Tosco,
 » Che d’ognun disse malo che [9] di Dio,
 » Scusandosi col dir’ io ne’l conosco. »


Il n’y a rien dans le narré de M. Moréri qui puisse faire soupçonner le moins du monde que ces quatre vers ne sont pas l’inscription même du tombeau de l’Arétin [* 2]. C’est donc tromper tout lecteur qui n’est pas capable de se tirer d’un mauvais pas par ses propres réflexions. C’est en particulier tendre un piége aux protestans qui, à moins que d’aller un peu bride en main, se portent à croire qu’il n’y a presque point d’objet de scandale que les Italiens n’admettent dans leurs églises. Plusieurs donc d’entre eux croiraient aisément, sur la parole de M. Moréri, que le patriarche de Venise souffrit, non-seulement qu’on enterrât un athée en terre sainte, mais aussi que l’on exposât aux yeux du monde dans une église l’épitaphe de cet athée en quatre vers qui tournent la chose en plaisanterie. Pour moi, je ne saurais croire que la corruption et la négligence du clergé soient jamais allées jusqu’à souffrir de semblables inscriptions sépulcrales dans une église. Je crois donc que les quatre vers rapportés

  1. (*) Elle l’a été en 1715, a la fn du T. IV du Ménagiana, éd. de Paris. ADD. de l’édition d’Amsterdam.
  2. * Joly dit gravement qu’on peut tenir pour certain que cette épitaphe ne fut jamais gravée sur le tombeau d’Arétin.
  1. Voyez l’éloge qu’on lui donne dans le Ménagiana. (Tom. II, pag. 68, édit. de Paris, 1715.)
  2. C’est-à-dire, l’an 1693.
  3. Ils sont de Dijon.
  4. Histoire des Ouvrages des Savans, mois de février 1694, pag. 278, 279. Il a rapporté l’éloge que le Menagiana donne à M. de la Monnoie.
  5. Grotius, Append. ad Comment. de Antichristo, pag. 133.
  6. Vide Deckherum, de Scriptis Adespotis, pag. 374, edit. anni 1686.
  7. Mersennus, in Genesim. pag. 1830.
  8. Voetius, Disputation., vol. I, pag. 206, et Spizelius, Atheism. Scrutinio, pag. 18.
  9. Il fallait dire mal fuor che.