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ARION.

jeux néméens (F), que les princes, qui allaient assiéger Thèbes, instituèrent en l’honneur d’Archémore, et il fut cause qu’Adraste ne périt pas dans cette fameuse expédition, comme tous les autres chefs. Apollodore le témoigne au livre III.

(A) Neptune, disputant avec Minerve à qui nommerait la ville d’Athènes,...... frappa le rivage, et en fit sortir un cheval. ] Servius nous apprend cela sur ces paroles de Virgile :

....Tuque ô, cui prima frementem
Fudit equum magno tellus percussa tridenti,
Neptune [1].


Voyez aussi Probus, sur ce même passage de Virgile.

(B) On veut que Cérès fût sous la figure d’une furie, lorsqu’elle devint grosse de ce cheval, ou qu’en effet une furie l’ait procréé du fait de Neptune. ] Ce sont les sentimens d’Apollodore et d’Hésychius. Voici leurs paroles : Τοῦτον ἐκ Ποσειδῶνος ἐγέννησε Δημήτερ εἰκασθεῖσα Ἐρυννύϊ κατὰ τὴν συνουσίαν [2]. Hunc ex Neptuno genuit Ceres similis facta Erynni in coïtu. Ἀρίων ὁ ἵππος Ποσειδῶνος υἱὸς, καὶ μιἇς τῶν Ἐριννύων [3]. Arion, equus, Neptuni filius et unius ex Erynnibus. Barthius a confondu le sentiment d’Apollodore avec celui d’Hésychius. Unius ex Erynnibus, dit-il [4], sobolem assentitur Apollodoro Hesychius Lexicographus. Cela veut dire qu’Apollodore raconte qu’Arion était né d’une des furies ; mais c’est ce qu’il n’a point dit : il a remarqué expressément que Cérès était la mère de ce cheval, et qu’elle avait seulement pris la figure d’une furie lors de la copulation. M. Lloyd a pillé Barthius, sans le corriger en cet endroit.

(C) Quintus Calaber le fait fils du vent Zéphire, et d’une harpie. ] Voici une seconde faute de Barthius, que M. Lloyd a transplantée dans son Lexicon, toute telle qu’il l’avait trouvée. Intercedit Quintus Smyrnæus, dit Barthius [5], harpiæ patronus, cujus fuerit potiùs seminio oriundus patre Zephiro, ingratiis etiam Neptuni. Il n’y a dans ce poëte aucune chose qui marque que ce fût, ou avec, ou contre l’agrément de Neptune, que Zéphire et la harpie produisirent Arion [6].

(D) On a cru qu’il avait été nourri par des Néréides. ] Je ne citerai que Claudien :

Si dominus legeretur equis, tua posceret ultrò
Verbera, Nereidem stabulis nutritus Arion [7].

(E) Adraste en fut le troisième possesseur. ] Cela était vrai selon l’histoire qu’en fait le scoliaste d’Homère sur le vers 346 du XXIIIe. livre de l’Iliade. Il dit que Neptune devint amoureux d’Erinnys [8], se métamorphosa en cheval, et eut affaire avec elle dans la Béotie, auprès de la fontaine Tiphlouse ; qu’il l’engrossa d’un cheval, qui fut nommé Ἀρείων à cause qu’il surpassait tous les autres ; qu’il le donna à Copréus roi d’Aliarte ; que celui-ci en fit présent à Hercule, qui gagna le prix de la course avec ce cheval, contre Cygnus fils de Mars, auprès de Trézène ; et qu’enfin Hercule en fit présent à Adraste.

(F) Il gagna le prix de la course aux jeux néméens. ] Apollodore, au livre III, dit qu’Adraste fut le vainqueur à la course de cheval ; mais Stace feint que ce prince donna son Arion à Polynice son gendre, et qu’Arion jeta en bas ce nouveau cocher, et, continuant de courir, devança tous les autres : ce qui n’empêcha point qu’Amphiaraüs ne remportât la couronne ; car encore qu’il n’eût point gagné le devant à Arion, il suffisait qu’il l’eût gagné à ses concurrens, ou que Polynice, jeté en bas, n’eût rien à prétendre en vertu de la vitesse supérieure de son cheval :

Forsitan et victo prior isset Arione Cygnus,
Sed vetat æquoreus vinci pater : hinc vice justa ;
Gloria mansit equo, cessit victoria vati [9].

Apollodore convient qu’Amphiaraüs vainquit à la course de chariot,

  1. Virgil., Georg., lib. I, vs. 12.
  2. Apollodori Bibliotheca, lib. III.
  3. Hesychius.
  4. Barth., in Stat., part. II, pag. 890.
  5. Id., ibid.
  6. Voyez-le au livre IV, vs. 571.
  7. Claudian. Consul. IV Honor, vs. 555. Lloyd cite deux fois ceci.
  8. C’est-à-dire d’une des furies.
  9. Status, Thebaïdos lib. VI, vs. 523.