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ANAXAGORAS.

ne beaucoup de gravité. Maxima fuit et gravitatis et ingenii gloria [a]. Il mourut à Lampsaque, où il fut enterré honorablement, et orné d’une épitaphe très-glorieuse. On alla même jusqu’à lui bâtir un autel (O). Les principaux de la ville le visitèrent un peu avant qu’il mourût, et lui demandèrent s’il avait quelque ordre à donner : il leur fit réponse, qu’il ne souhaitait autre chose, sinon que l’on permît aux enfans de se divertir toutes les années dans le mois qu’il serait mort [b]. Cela fut exécuté, et la coutume en durait encore au temps de Diogène Laërce. On dit qu’il vécut soixante et douze ans [c]. On n’est pas bien assuré qu’il ait tenu pour le dogme de la prédestination (P). Il est le premier philosophe qui ait publié des livres (Q). Socrate, qui avait espéré d’y rencontrer certaines choses, ne fut pas content de leur lecture : ce fut apparemment sa faute (R), comme je le montrerai dans les réflexions que j’aurai à faire sur son discours. Il négligea l’astronomie, entre autres raisons, à cause qu’Anaxagoras, qui s’y était extrêmement appliqué, s’égara beaucoup (S). Ce que l’on observe touchant le Traité où il raisonnait sur les éclipses est une chose curieuse. Vous la verrez à la fin de la remarque (B) de l’article de Périclès. N’oublions point que le mont Mimas, proche de Clazomène, était un lieu d’où il contemplait les astres [d]. Encore moins faut-il oublier que la force et la sublimité de son génie, son travail, son application, et l’abondance de ses découvertes, ne firent que le conduire à l’incertitude ; car il se plaignait que tout est plein de ténèbres [e]. Ce fut peut-être ce qui l’obligea à dire que tout consiste dans l’opinion, et que les objets sont ce qu’on veut, c’est-à-dire, tels ou tels, selon qu’ils nous semblent tels ou tels [f]. Du reste, quoiqu’il enseignât que l’âme de l’homme est un être aérien [g], il la croyait immortelle [h]. Il lui faisait plus d’honneur qu’au monde ; car il était de ceux qui jugèrent que le ciel et la terre périraient [i] : et quand on lui demanda si les montagnes de Lampsaque seraient un jour une partie de la mer, il répondit que oui, pourvu que le temps ne leur manquât pas [j]. J’ai dit ailleurs [k] quel était son sentiment sur l’âme des bêtes. C’est dommage qu’il n’ait pas été ami de Démocrite, et que ces deux grands esprits n’aient pas concerté ensemble leurs hypothèses : on aurait pu corriger les défauts de l’une par les perfections de l’autre ; mais il n’y eut entre eux nulle liaison. Anaxagoras voulut du mal à Démocrite, parce que

  1. Cicer. Quæstion. Academ., libr. II, cap. XXIII.
  2. Diog. Laërt., libr. II, num. 14. Voyez la remarque (A), vers la fin.
  3. Idem, ibid., num. 7.
  4. Philostr. in Vitâ Apollon, lib. II, cap. II.
  5. Voyez la remarque (G), vers la fin.
  6. Aristoteles, Metaphys., lib. III, cap. V, pag. 671, G.
  7. Theodoret., de Græc. Affect., Serm. V, pag. 547.
  8. Id., ibid., pag. 548.
  9. Voyez les Jésuites de Conimbre, in Arist. libr. I, de Cœlo, cap. III, pag. 65.
  10. Diogen. Laërt. lib. II. num. 10.
  11. Dans la remarque (E) de l’article Pereira.