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ARISTÉE.

manicus sur les Phénomènes d’Aratus [1]. Parlons de l’anniversaire qu’il établit. Il ordonna que tous les ans les prêtres de Céa offrissent des sacrifices avant le lever de la canicule, et que les habitans se missent en armes, pour observer le lever de cette constellation, et pour lui offrir des victimes [2]. Ἐνομοθέτησε γὰρ τοῖς Κώοις (lisez Κείοις) κατ ̓ ἐνιαυτὸν μεθ᾽ ὅπλων ἐπιτηρεῖν τὴν ἐπιτολὴν τοῦ Κυνὸς, καὶ θύειν αὐτῷ [3]. Cicéron dit qu’ils croyaient prévoir, par l’observation de cet astre, si l’année serait saine ou non. Ceos accepimus ortum caniculæ diligenter quotannis solere servare, conjecturamque capere, ut scribit Ponticus Heraclides, salubrisne an pestilens annus futurus sit [4]. Manile attribue la même chose aux Ciliciens [5]. Je ne sais si les habitans de la Calabre, qui faisaient des vœux à la Canicule, avaient emprunté d’Aristée médiatement ou immédiatement cet acte de religion.

Sic cùm stabulis et messibus ingens
Ira Deùm et Calabri populator Sirius arvi
Incubuit, coit agrestum manus inscia priscum
In nemus, et miseris dictat pia vota sacerdos [6].


Quelles superstitions ! mais ce n’étaient pas les plus étranges qui fussent dans le paganisme. Au reste, le passage de Justin que j’ai rapporté au commencement de cette remarque, formera ici un incident. M. Lefèvre de Saumur croyait être le premier qui l’eût entendu. « Justin, dit-il, ne prétend point dire qu’Aristée enseigna l’usage du lait : cela eût été contraire à la vérité, et à toute l’antiquité, il ne parle que de l’industrie de cailler le lait. » Se ostendisse hominibus quâ arte coagulum ex lacte confici conformarique posset [7]. « Il ne prétend point même qu’Aristée ait inventé l’usage du miel : le lait et le miel servirent à la nourriture du plus grand des dieux. » Nam Jupiter pater ille hominumque deûmque melle nutritus est ac lacte [8]. « Il parle donc de l’invention de cailler le lait avec du miel. » Ergò aliud docuit Aristæus, scilicet coagulum fieri ex mixturâ, seu ut Græci vocant, cramate mellis et lactis. Hunc locum à nemine hactenùs intellectum arbitror [9]. Cette explication me paraît très-belle, mais les raisons sur quoi on la fonde prouvent trop ; car si l’ancienne tradition sur les alimens qui furent donnés à Jupiter pendant son enfance avait empêché Justin de dire qu’Aristée montra aux hommes l’usage du miel, il n’aurait point débité que Gargoris roi des Cynètes [10], ou des Cunètes, fut le premier inventeur du miel ; et néanmoins, il l’a débité clairement, et sans qu’on puisse donner à ses termes deux explications. Quorum (Cunetum) rex vetustissimus Gargoris mellis colligendi usum primus invenit [11]. Je ne vois point qu’on puisse prétendre que Justin a tellement respecté les traditions poétiques, qu’il s’est bien gardé d’avancer des choses qui les réfutassent. Une infinité d’auteurs ont dit qu’Aristée inventa le miel ; leurs paroles signifient cela précisément, et ne peuvent point être détournées à ce sens-ci : Il inventa un certain mélange du miel et du lait, pour composer une coagulation. On pourrait donc croire raisonnablement que Justin parla comme eux, et qu’il ne tint aucun compte de ce que les poëtes avaient débité touchant le lait et le miel de Jupiter. Notez en passant, que les inventions d’Aristée consistaient quelquefois dans des mélanges ; car il fut le premier qui apprit aux Thraces à mêler du miel avec le vin de Marone. Aristæum primum omnium in eâdem gente mel miscuisse vino, suavitate præcipuè utriusque naturæ spontè provenientis [12].

(G) …….. ni sa fille Macris. ] Il n’y a guère d’auteurs qui en parlent ; mais voici ce qu’Apollonius en raconte [13] : Ce fut elle qui prit le petit

  1. Germ. in Aratea Phænom., in Aquario, pag. 118, 119.
  2. Apollon., lib. II, vs. 528. Vous trouverez les paroles ci-dessus, citation (57).
  3. Schol. Apollon., in lib. II, vs. 528.
  4. Cicero, de Divinat., lib. I, cap. LVII.
  5. Manil., Astronom., lib. I, pag. 13.
  6. Valer. Flaccus, Argonaut., lib. I, vs. 682.
  7. Tanaq. Faber, Not. in Justin., lib. XIII, cap. VII.
  8. Idem, ibid.
  9. Idem, ibid.
  10. Peuple d’Espagne.
  11. Justin., lib. XLVII, cap. IV.
  12. Plin., lib. XIV, cap. IV, pag. 127.
  13. Apollon., Argon., lib IV, vs. 1131 et seq.