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ARISTÉE.

Bacchus sur son giron, après que Mercure l’eut tiré du milieu des flammes. Ce fut elle qui lui fit prendre du miel. Elle demeurait alors au centre de l’île d’Eubœe. Elle s’exposa à l’indignation de Junon, par le bon office qu’elle rendit à cet enfant, et fut contrainte d’abandonner le pays, et de se sauver dans un autre, en l’île des Phéaques, où elle fit une infinité de biens aux habitans [1]. Inférons de là qu’Aristée, oncle d’alliance de Bacchus [2], était beaucoup plus âgé que lui. Cela ne réfute point ce que Diodore de Sicile raconte touchant l’admission d’Aristée aux Orgies, etc., ni ce que d’autres supposent, qu’il commandait quelques troupes dans l’armée de Bacchus [3] ; car il est de l’ordre que la supériorité appartienne à un fils de Jupiter, lors même qu’il est plus jeune.

  1. .... Καὶ πόρεν ὄλϐον ἀθέσϕατον ἐνναέτῃσιν,

    Et infinitis beuvit insolarios opibus.
    Idem, ibid., vs. 1140.

  2. Il était mari d’Autonoé, sœur de la mère de Bacchus.
  3. Nonnus, Dionysiacor. lib. XIII.

ARISTÉE, le Proconnésien, en latin Aristeas. M. Moréri s’étant contenté de dire qu’il vivait au temps de Cyrus (A), et qu’il composa l’Histoire des Arimaspes, et un ouvrage de l’Origine des Dieux, le tout rempli de fables (B), a oublié ce qu’il pouvait mettre de plus singulier dans cet article. Donnons donc ce supplément, et disons que cet Aristée, étant mort dans son pays [a], fut vu le même jour, et à la même heure, faire leçon en Sicile. Ce spectacle ayant été renouvelé plusieurs fois, et pendant plusieurs années, obligea les Siciliens à bâtir un autel à Aristée, et à lui offrir des sacrifices [b]. Hérodote a parlé assez amplement de ce miracle (C). Pline rapporte qu’on vit dans l’île de Proconnèse l’âme d’Aristée sortir du corps par la bouche, sous la figure d’un corbeau [c]. D’autres disent que cette âme sortait du corps, et y retournait à sa fantaisie (D). Strabon donne Aristée pour l’un des plus grands enchanteurs qui furent jamais [d]. Quelques-uns prétendent, qu’afin de lever l’incrédulité qu’on avait pour sa doctrine, il fit accroire que son âme séparée du corps avait fait plusieurs voyages [e]. On trouve six de ses vers dans le Traité de Longin [f]. On en trouve quelques autres dans les Chiliades de Tzetzès [g]. On le voit cité deux fois dans Pausanias [h]. Au reste, ceux qui prétendent qu’il n’était pas tout-à-fait mort, quand son âme allait faire des voyages [i], ne diminuent guère le merveilleux de ce prodige. Il n’est pas besoin de remarquer que Plutarque s’est moqué de ce beau conte [j]. Le Giraldi a fait quelques fautes (E).

  1. L’île de Proconnèse, dans la Propontide.
  2. Ex Apollonii Dyscol. Hist. Comment., cap. II.
  3. Plinius, lib. VII, cap. LII, pag. 85.
  4. Strabo, lib. XIII, pag. 405.
  5. Voyez la remarque (B).
  6. Longin., περὶ ὕψους, sect. IX, p. 26.
  7. Tzetzes, Histor., chil. VII, pag. 144. Voyez Casaubon sur Athénée, liv. I, pag. 13.
  8. Pausan., lib. I, pag. 22, et lib. V, pag. 154.
  9. Maxim. Tyr. Orat. XXVIII, pag. 282.
  10. Plut. in Romulo, pag. 35.

(A) Moréri s’est contenté de dire qu’il vivait au temps de Cyrus. ] On prouve cela par le témoignage de Suidas. Notez que Cyrus commença de régner en Perse l’olympiade 55. Vossius infère de là, que Suidas disant d’un côté qu’Aristée florissait pendant la 50e. olympiade, et de l’autre que c’était au temps de Cyrus, n’a