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ARMINIUS.

envoyé à Genève l’an 1582, aux dépens des magistrats d’Amsterdam, afin d’y perfectionner ses études, et il s’attacha principalement aux leçons de Théodore de Bèze, qui expliquait en ce temps-là l’Épître aux Romains. Il eut le malheur de déplaire à quelques suppôts de l’académie, parce qu’il soutenait en public avec beaucoup de chaleur la philosophie de Ramus, et qu’il l’enseignait en particulier : il fallut donc qu’il se retirât, et il s’en alla à Bâle, où il fut reçu avec applaudissement. Il y fit des leçons publiques (B), et il y parvint à une telle considération, que la faculté de théologie voulut lui donner le doctorat sans exiger de lui aucune dépense. Il s’excusa modestement de recevoir cet honneur, et s’en retourna à Genève, où, ayant trouvé moins échauffés les adversaires du ramisme, il modéra aussi sa ferveur. Il souhaita de voir l’Italie, et surtout afin d’entendre à Padoue les leçons philosophiques du fameux Jacques Zabarella. Il satisfit cette curiosité, et employa six ou sept mois à ce voyage, après quoi il revint à Genève, et ensuite à Amsterdam, où il trouva qu’on l’avait bien calomnié au sujet de son voyage en Italie (C), ce qui avait refroidi un peu l’affection des magistrats, ses patrons et ses Mécènes. Il se justifia facilement auprès des personnes sages ; mais il y eut des esprits faibles et ombrageux qui s’arrêtèrent à cette pierre d’achoppement [a], jusqu’à ce qu’il eût fait entendre à toute l’église les beaux talens qu’il avait pour la prédication. Il gagna par ce moyen l’amour et l’estime de tout le monde. Ses propres collègues rendirent hommage à son savoir, et avouèrent que ses sermons leur étaient utiles. Martin Lydius, professeur en théologie à Franeker, le jugea extrêmement propre à réfuter un écrit où la doctrine de Théodore de Bèze sur la prédestination avait été combattue par quelques ministres de Delft. Arminius, déférant à ses prières, entreprit de réfuter cet ouvrage ; mais à force de l’examiner, et de balancer les raisons de part et d’autre, il passa dans le sentiment qu’il voulait détruire, et puis il alla encore plus loin que ces ministres de Delft. Il condamna avec eux le supralapsaire Bèze, et ensuite il ne reconnut d’autre élection que celle qui avait pour fondement l’obéissance des pécheurs à la vocation de Dieu par Jésus-Christ. On lui en fit des affaires à Amsterdam : on l’accusa de s’écarter de la doctrine commune ; mais l’autorité des magistrats réprima cette dissension. Il fut appelé à la profession de théologie à Leyde, l’an 1603, et il fallut remuer toutes sortes de machines, pour obtenir que ceux d’Amsterdam lui donnassent son congé. On en vint à bout enfin : et après qu’il eut dissipé les mauvaises impressions qui avaient été données de sa doctrine, il fut créé docteur en théologie à Leyde [b], et in-

  1. Infirmi quidam fratres factum illud perpetuò insectari, et in circulis suggillare. Bertius, in Oratione funebri J. Arminii.
  2. Il fut le premier à qui ce titre fut conféré solennellement dans l’académie de Leyde. Ce fut François Gomarus, qui le lui