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ARNAULD.

M. le Maître son petit-fils, qui l’ait exercée avec plus d’éclat et plus de dignité. Sa maison était continuellement pleine de princes et de grands seigneurs, qui venaient le consulter sur leurs plus importantes affaires ; et il fut partout en telle vénération, qu’après sa mort il fut exposé sur son lit pendant quelque temps, pour satisfaire au public qui le demanda avec instance [a]. » On a eu grand tort de lui imputer une apologie de Phalaris (G).

  1. Perrault, Hommes illustr., pag. 54, 55, édition de Hollande.

(A) Il refusa d’être secrétaire d’état..….. On a insinué ce fait dans son épitaphe. ] M. le Maître, petit-fils et filleul d’Antoine Arnauld l’avocat, est l’auteur de cette épitaphe. Ceux qui la voudront lire n’auront que faire de la chercher ailleurs que sur cette page ; ceux qui n’en seront point curieux n’ont qu’à passer outre. Ils le feraient bien sans attendre mon avis.

Passant, du grand Arnauld révère la mémoire.
Ses vertus à sa race ont servi d’ornement,
Sa plume à son pays, sa voix au parlement,
Son esprit à son siècle, et ses faits à l’histoire [* 1].
Contre un second Philippe, usurpateur des lis,
Ce second Démosthène anime ses écrits,
Et contre Emmanuel arma son éloquence [* 2].
Il vit comme un néant les hautes dignités,
Et préféra l’honneur d’oracle de la France
À tout le vain éclat des titres empruntés.

(B) Il plaida pour l’université contre les jésuites... Voici quelle en fut la récompense. ] Il renvoya à l’université le présent qu’elle lui avait fait donner : il voulut avoir plaidé gratis cette cause si fameuse. L’université fit un acte dans les formes les plus authentiques, par lequel elle s’engagea à une éternelle reconnaissance, tant envers lui qu’envers sa postérité. Voici les termes du décret, Quapropter, cùm consultorum disertissimus et disertorum consultissimus D. Antonius Arnaldus, in foro Parisiensi spectatus à multis annis patronus pro defensione juris academici..…… tantoperè desudârit : et longâ comtâque oratione, quæ doctorum manibus teritur, probârit..…..… Cùmque idem pro defensionis laboribus et patrocinii jure oblatum sibi ab academiâ honorarium remiserit, gratuitamque suam operam esse voluerit ; ne apud nos ingrati animi culpa resideat, placuit rectori, quatuor facultatibus, et singulis nationibus, ut perpetua tanti beneficii memoria publicis tabulis consignata et testata apud posteros extaret, huicque sacramento se omnes academiæ ordines obstringerent, se ea officia quæ à bonis clientibus fido patrono solent deferri, omnia in illum ejusque liberos ac posteros collaturos, nec eorum unquàm honori, commodis, famæque defuturos [1]. Vous trouverez amplement ce fait dans la préface d’un livre imprimé à Liége, l’an 1699, et intitulé : Causa Arnaldina, seu Antonius Arnaldus doctor et socius sorbonicus à censurâ anno 1656 sub nomine facultatis theologicæ Parisiensis vulgatâ vindicatus.

(C) Il publia un livre pour empêcher le rappel des jésuites ; mais... il tâcha de le supprimer. ] C’est un petit livre de 144 pages in-12, intitulé : Le franc et véritable discours au roi, sur le rétablissement qui lui est demandé pour les jésuites [* 3]. Le père Richeome le réfute dans sa Plainte apologétique, où il réfute aussi le Catéchisme des Jésuites qui avait paru en même temps, et qui venait de la plume d’Étienne Pasquier. J’ai lu dans les remarques sur la confession catholique de Sancy [2], un fait que je m’en vais rap-

  1. * Il manque ici, dit Joly, quatre vers à cette épitaphe qui est un sonnet. Il est surprenant, dit-il, que Bayle ne se soit pas aperçu de cette lacune. Voici les quatre vers qui composent le second quatrain :

    Ses discours aux héros dispensèrent la gloire.
    Par lui la vérité triompha puissamment,
    Des princes et des rois il fut l’étonnement
    Et les eut pour témoins d’une illustre victoire.

  2. * C’est d’après ce vers et sur le témoignage de Guichenon, que Bayle attribue à Arnauld la première Savoisienne ; mais la Bibliothéque historique de la France, n°. 19779, élève des doutes là-dessus.
  3. * Leclerc dit que cet ouvrage n’est pas d’Arnauld parce que le style n’en est pas assez impétueux. Leduchat, au contraire, apporte des preuves à l’appui de son opinion, qui est qu’Arnauld est auteur de ce livre qu’on a réimprimé en 1610 à l’occasion de la mort de Henri IV, et en 1762 avec préface et notes de l’abbé Goujet.
  1. Præfat. Causæ Arnaldinæ, pag. xcvij.
  2. Liv. II, chap. VI, pag. 535.