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ARNAULD.

porter en simple copiste. « L’avocat Arnauld ne répondit point : ce ne fut pas que le livre de la Vérité défendue [1] l’eût fait fuir, mais c’est qu’il vit bien que la faveur des jésuites auprès d’Henri IV l’emporterait à la fin sur toutes les raisons qu’on pouvait avoir de laisser subsister contre eux l’arrêt de leur bannissement. En effet, le pauvre homme eut même tant de peur d’en avoir trop dit dans son petit livre, que j’en ai vu un exemplaire, où un habile homme de ce temps-là avait fait de sa propre main l’observation suivante : Ce livre (Le Franc et véritable Discours) composé par Me. Antoine Arnauld leur bon ami ; et plus bas, les copies retirées par l’auteur. »

(D) Ceux qui ont dit qu’il était de la religion ont débité un très-grand mensonge. ] L’auteur de l’Amphitheatrum honoris, déguisé sous le nom de Clarus Bonarscius, qui est l’anagramme de Carolus Scribanius, son véritable nom, traite nettement de calviniste, Ant. Arnauld l’avocat. L’Imago primi seculi soc. Jesu le fait aussi. L’auteur de l’Apologie de Jean Châtel dit, page 205, que le nom d’Arnauld vient d’ἀρνοῦμαι, qui signifie renier ou apostasier, et qu’il approche de celui de l’antechrist, où se trouve le nom de la Bête ; et page 206 : Digne ministre de celui auquel a esté donné gueule proférante grandes choses et blasphèmes, Apocal. 13 [2]. Dupleix débita le mensonge dont il s’agit, et s’en rétracta publiquement. Il avait dit dans la première édition de son Histoire d’Henri IV, en parlant du procès qu’eurent les jésuites avec l’université de Paris, l’an 1594, qu’Antoine Arnauld faisant profession du calvinisme, le choix que les agens de l’université avaient fait de lui fut trouvé grandement scandaleux, et de mauvaise grâce. Mais voici comment il se rétracta. Antoine Arnauld, homme très-éloquent, fut employé pour plaider la requête des demandeurs [3]. J’avais cru ci-devant, sur de mauvaises instructions, qu’il fut religionnaire ; mais la vérité est qu’il ne le fut jamais. Il a laissé des enfans très-vertueux et très-zélés à la religion catholique. C’est une chose étrange, qu’un historien, qui n’était pas du commun, ait pu se laisser tromper sur la profession de religion d’un si célèbre avocat, qui avait pris à témoin de sa catholicité tout le parlement, dans le plaidoyer même qui donne lieu à Dupleix de parler de lui. Voyons ce qu’il dit dans ce plaidoyer. Si d’aventure ils ne sont si impudens, et ceux qui les soutiennent, d’oser dire que la Sorbonne estoit hérétique en 1554, lorsqu’elle fit ce décret contre eux : tout ainsi qu’ils sont si eshontez, que de publier parmi les femmes de leur congrégation, que tous ceux qui poursuivent cette cause sont hérétiques, qui viennent de Genève et d’Angleterre. Que si moi, qui parle, n’estois cogneu depuis mon enfance instruit dans le collège royal de Navarre, et que ma profession si notoire et ma réception en charges publiques et honorables dès l’an 80 et 85 ne m’exemptoient trop manifestement de leurs impostures, ils me feindroient volontiers envoyé de là mesmes, pour plaider contre eux. L’expérience lui montra, et nous montre encore aujourd’hui, qu’il avait tort de se croire à couvert de l’imposture ; car, outre les écrivains que j’ai cités, il s’est trouvé depuis peu deux nouveaux accusateurs. Le premier est le père Hazart, le second ne s’est donné qu’un faux nom [4] ; mais il a produit une lettre d’un gentilhomme nommé M. d’Heucourt [5], qui atteste que le père de M. Arnauld, docteur de Sorbonne, est né et mort huguenot. J’ai raison de dire que le père Hazart a renouvelé l’accusation, car voici ses paroles : La rétractation de M. Dupleix ne m’incommode point, ni ne me ravit la liberté de prendre son

  1. L’auteur des remarques avait dit pag. 534 que Richeome, sous le nom de François de la Montagne, avait répondu l’an 1594 au plaidoyer de Pasquier, par un livre qui avait pour titre, La Vérité défendue. [Au lieu de François de la Montagne et de plaidoyer de Pasquier, il faut, dit Leclerc, lire François des Montagnes et plaidoyer d’Ant. Arnauld. La Vérité défendue n’est point une réponse au Franc discours.]
  2. Ceci a été tiré de la Question curieuse, si M. Arnauld est hérétique ? pag. 13.
  3. C’est-à-dire, de l’université.
  4. Celui de Sainte-Foi, dans les Avis importans à M. Arnauld sur le projet d’une nouvelle Bibliothéque d’auteurs jansénistes. C’est une lettre datée de Paris le 28 de septembre 1691.
  5. C’est ainsi qu’il faut dire, et non pas Reucour, comme dans l’imprimé.