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ARNAULD.

de l’université de Paris, comme nous l’apprend un excellent journaliste [1].

Je passe sous silence une erreur du jésuite Papebroch ; c’est celle d’attribuer à M. Arnauld les livres qui ont paru sous le nom de Pétrus Aurélius. Petrus Aurelius vero nomine est Antonius Arnaldus [2]. Je ne sais que dire à l’égard d’un fait que j’ai trouvé dans une pièce volante [3], intitulée Défense du Mandement de Monseigneur l’évêque d’Arras, du 30 décembre 1697, contre un libelle intitulé, Ancienne Hérésie des jésuites renouvelée, etc. L’auteur de cette défense prétend prouver que les jansénistes ont reconnu l’autorité de l’Église à l’égard de la détermination du sens d’un ouvrage ; et voici ce qu’il dit dans la page 24. « De plusieurs que je pourrais produire, je me contenterai d’un seul qui peut tenir lieu de tous les autres. C’est M. Arnauld, le chef et l’oracle du jansénisme. Après avoir enchéri dans la quatrième partie de l’Apologie pour les religieuses de Port-Royal sur tout ce qui avait été dit jusque-là contre l’infaillibilité de l’Église à l’égard du sens des livres, enfin dans un nouvel ouvrage, fait pour soutenir cette apologie même et d’autres de ses écrits, réduit à ne pouvoir autrement se défendre du reproche qu’on lui faisait, que ses raisonnemens allaient à détruire la certitude de la tradition, il se vit contraint de faire malgré lui cet aveu important et décisif, qui ruinait en peu de lignes ses travaux de tant d’années. Il y a de certains faits, dit cet écrivain [* 1], dont on conclut nécessairement la vérité d’une doctrine, et ce sont ceux qui contiennent la tradition de l’église. Par exemple, il s’ensuit de ce que les pères ont enseigné unanimement une doctrine comme de foi, que cette doctrine est de foi... et ainsi, il est clair que l’église étant infaillible dans la décision des dogmes, elle l’est aussi dans la décision de ces sortes de faits qui s’ensuivent nécessairement des dogmes, et qui sont les moyens nécessaires par lesquels elle arrive à la connaissance des vérités de foi. Tout cela est de M. Arnauld. » Voilà qui est net et précis. On affirme positivement que l’Apologie des Religieuses, et la réfutation d’un livre du père Annat, sont deux ouvrages de notre docteur. Je ne prétends pas le nier, quoique d’une part le style de l’Apologie me paraisse plus châtié que le sien, et de l’autre moins vif, moins impétueux. Cette Apologie est un assez gros in-quarto divisé en IV parties, imprimé l’an 1665. Notez en passant le sort des disputes : il n’arrive presque jamais, en soutenant une opinion, que l’on ait une entière liberté de se servir de maximes purement universelles. On a quelques autres sentimens à ménager, qui obligent à des restrictions, mais c’est une gêne très-incommode ; car votre adversaire se prévaut de ce que vous exceptez. Cela lui fournit des argumens ad hominem, et de fort grands avantages, et c’est presque toujours par-là qu’il se relève de sa chute, après qu’on l’a terrassé. Les jansénistes en sont un exemple dans l’Apologie du Mandement de M. d’Arras. Je voudrais bien voir comment ils s’en tireront. Chaque parti souffre dans cette matière. On ne peut point soutenir l’infaillibilité de l’Église à l’égard des faits ; et, à moins que de l’admettre, on s’expose à mille inconvéniens. Quant au livre des Deux chefs qui n’en font qu’un, j’en parlerai en quelque autre endroit. C’est un ouvrage que l’on donne faussement à M. Arnauld : j’ai trouvé cette imputation dans un écrit anonyme, imprimé l’an 1688, et qui passe pour être du père le Tellier. Il a pour titre, Lettre Apologétique pour M. Arnauld, etc. On aurait plus de raison de dire que le dogme même des deux chefs qui n’en font qu’un, a été soutenu par ce docteur de Sorbonne dans la préface du livre de la Fréquente Communion ; mais cela même demande quelques éclaircissemens. Voyez l’Histoire abrégée de sa vie [4].

(P) On a imputé son silence à une

  1. (*) Réfut. du livre du père Annat, etc., pag. 5.
  1. Hist. des Ouvrages des Savans, août 1689, pag. 541, septembre 1689, pag. 34.
  2. Papebroch. Elucid, Hist. Actor., in controversiâ Carmelitanâ, pag. 135.
  3. Imprimée à Cologne, chez Vand Buning, à la Palme, en 1698 : elle contient 50 pages in-12.
  4. Pag. 85 et suivantes.