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ARNAULD.

M. Simon a pris là-dessus parti contre les censeurs [1], et a été réfuté par M. Arnauld, depuis la page 113 jusqu’à la page 236 de la VIe. partie des Difficultés proposées à M. Steyaert. Il s’est défendu dans ses Nouvelles Observations sur le texte et sur les versions du Nouveau Testament [2], depuis la page 33 jusqu’à la 91. On peut apprendre bien des choses en comparant exactement les raisons de l’un avec les raisons de l’autre. Chacun sait que M. Arnauld est celui de tous les écrivains catholiques qui a soutenu le plus doctement et le plus solidement l’utilité des versions de l’Écriture. Ce qu’il a dit à l’égard du droit sur cette matière, est admirable : ce qu’il en a dit à l’égard du fait, c’est-à-dire, pour montrer que, selon l’esprit de l’Église, les laïques n’ont jamais été exclus de la lecture de la parole de Dieu en langue vulgaire, est beau et curieux ; mais, si vous lisez attentivement les réponses de M. Simon [3], vous ne saurez que penser touchant l’esprit de l’Église quant à cela. Les sentimens des docteurs, les jugemens des académies, les mandemens des prélats, les actes publics, en un mot, allégués de part et d’autre, forment une si étrange variété, et surtout lorsqu’on examine les motifs et les principes étalés par ceux qui blâment, et par ceux qui louent la lecture des versions, qu’il résulte de tout cela, que, selon l’esprit de l’Église, il doit être défendu et permis au peuple de lire l’Écriture Sainte. Il n’y a guère de faits qu’on puisse réduire plus aisément au pyrrhonisme historique, que cette demande-ci : L’Église a-t-elle désapprouvé, ou approuvé, quel Écriture fût lue par les laïques en langue vulgaire ? Quelle pitié qu’on ne puisse rien établir de ferme sur une telle question, ni à l’égard de la négative, ni à l’égard de l’affirmative ! Un corps, qui se vante de l’infaillibilité, ne devrait-il pas être plus uniforme dans ses procédures ? M. Arnauld, avec les torrens de son éloquence et de son savoir, entraînerait une infinité de lecteurs à dire que l’on a calomnié l’église romane, quand on lui a reproché mille et mille fois qu’elle interdit aux laïques la lecture de la parole de Dieu ; il les entraînerait, dis-je, à croire cela, si M. Simon n’opposait des digues à ces torrens. Voilà comment, dans les mêmes communions, un docteur défait le travail de l’autre : l’ennemi commun en profite, et a lieu de s’écrier,

Sæpè, premente Deo, fert Deus alter opem.

(S) .... soit en faveur des attestations des Grecs. ] J’ai dit ci-dessus [4], que les protestans les ont méprisées, comme des choses que l’on avait facilement obtenues de cette nation vénale. [ Emendicatis undique per legatos regios, consules, missionarios, Græculorum hâc de re testimoniis, à quibus nihil non pretio extorqueas [5]. « M. Arnauld produisit plusieurs attestations de prêtres grecs, pour montrer qu’ils étaient là-dessus dans les hypothèses des catholiques romains ; mais il est vrai aussi qu’on en obtint la plupart à force d’argent. M. Wheler assure, dans ses Voyages de Grèce, qu’il a parlé à plusieurs papas que M. de Nointel, neveu de M. Arnauld, a tâché de corrompre de cette manière [6]. » Voilà deux témoins du fait que j’ai avancé. Notez que M. de Nointel n’est pas neveu de M. Arnauld. On le dit là apparemment pour avoir lu dans la réponse de M. Claude [7] que M. de Pompone, neveu de M. Arnauld, et ambassadeur alors en Suède, lui avait procuré des matériaux ] [8]. Quoi qu’il en soit, M. Simon a soutenu qu’il y a même des catholiques qui ne s’en rapportent pas tout-à-fait à ce grand nombre d’attestations [9] ; et il rapporte les fondemens de leurs doutes. M. Arnauld

  1. Voyez les chap. XXIII et XXIV de son Histoire critique du Nouveau Testament.
  2. Imprimées à Paris, l’an 1695, in-4°.
  3. Dans les Nouvelles Observations sur le texte et les versions du Nouveau Testament, depuis la page 465 jusqu’à la page 584.
  4. Dans la remarque (O), num. I, immédiatement après la citation (56).
  5. Spanhem. Strictur. in Expositionem Episcopi Condom.
  6. Bibliothéque Universelle, tom. XI, pag. 445.
  7. Claude, Réponse à la Perpétuité défendue, liv. IV, chap. III, pag. 597.
  8. Notez que ce qui est ici entre deux crochets était en marge de la remarque (M), citation (a), dans la première édition. C’est dans celle-ci, remarque (O), citation (56).
  9. dans son Histoire Critique de la Créance du Levant.