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ARNAULD.

examine tout cela avec une extrême ferveur, et donne un précis de ce qu’il avait répondu à M. Spanheim dans l’Apologie pour les catholiques [1].

(T) Je ne sais si le public verra jamais ce que M. Arnauld écrivit..... en faveur de M. Despréaux [* 1]. ] La critique de la Xe. Satire de M. Despréaux [2] étant tombée [* 2] entre les mains de M. Arnauld, lui fit naître la pensée d’écrire une dissertation en forme de lettre, où il prit la défense de la satire avec cette vigueur d’esprit et de style qui ne l’a jamais quitté : le parti des anciens en fut glorieux, et cela a valu à M. Arnauld ces beaux vers de M. Despréaux, où il préfère à tous ses avantages, même à celui d’être historien du roi, l’apologie que ce docteur a faite de sa satire... Les jansénistes rigides, ou les rigoristes ne furent pas contens de cette dernière pièce de M. Arnauld. Un docteur blanchi dans des disputes graves et sérieuses parler, à plus de quatre-vingts ans, de vers, de femmes, de romans, quel désordre ! Le parti en frémit, et se disait à l’oreille que leur chef baissait. La poésie, à les entendre, était un art frivole, qui n’avait pas dû un moment arrêter un si grand génie. Cela vint aux oreilles de M. Despréaux, et là-dessus il entreprit son poëme sur l’amour de Dieu, pour montrer que la poésie peut embrasser les sujets les plus sublimes. Ces particularités m’ont été communiquées par un homme de beaucoup d’esprit et d’érudition [3], fort connu de M. Despréaux. Mettons ici un passage de la Xe. Épître (vs.115 et suiv. ) de ce grand poëte, où il s’adresse à ses vers.

Mais des heureux regards de mon astre étonnant
Marquez bien cet effet encor plus surprenant,
Qui dans mon souvenir aura toujours sa place :
Que de tant d’écrivains de l’école d’Ignace
Étant, comme je suis, ami si déclaré,
Ce docteur toutefois si craint, si révéré,
Qui contre eux de sa plume épuisa l’énergie,
Arnauld, le grand Arnauld, fit mon apologie [* 3].
Sur mon tombeau futur, mes vers, pour l’énoncer [4],
Courez en lettres d’or de ce pas vous placer.
Allez, jusqu’où l’Aurore en naissant voit l’Hydaspe,
Chercher, pour l’y graver, le plus précieux jaspe,
Surtout à mes rivaux sachez bien l’étaler.

(V) Si la lecture des mauvais livres produisait dans le cœur des jeunes gens les mêmes effets qu’en lui, il serait bon de la conseiller. ] Voici ce qu’il nous apprend lui-même. « Je me souviens d’avoir lu autrefois, étant fort jeune, dans les Muses ralliées (c’était le titre de ce livre, si je m’en souviens bien}, quelque chose de fort méchant sur ce sujet. C’est un poëte qui se glorifie d’avoir obtenu ce qu’il n’avait pu demander sans crime ; et la raison qu’il rend d’être venu à bout de son dessein est tout-à-fait abominable. C’est, dit-il, que cette personne avait l’esprit trop solide pour ne pas regarder comme d’invisibles chimères ces vieux contes d’honneur qui naissent au cerveau des maris et des mères. Je suis certain que ce qui est en italique était dans ces vers ; car j’en fus tellement choqué que cela m’est toujours depuis demeuré dans l’esprit. Ce poëte suppose donc qu’il n’y avait que la considération de l’honneur qui eût pu empêcher cette femme de le satisfaire ; mais qu’elle s’était mise au-dessus par la force de son esprit [5]. »

(X) Il a fait un Testament spirituel. ] J’en ai un exemplaire de l’édition de Liége, en 1696. On y a mis une préface où l’on désavoue l’édition qui avait déjà paru.

(Y) On a reconnu enfin à la cour de Rome ce qu’il valait. ] Le pape

  1. (*) [M. Despréaux l’inséra dans l’édition de ses Œuvres de 1702. Cette pièce a paru depuis dans toutes les éditions qui ont suivi celle de 1702. Add. de l’édition d’Amsterdam].
  2. * Leclerc trouve impropre cette expression, puisque c’était Perrault lui-même qui avait envoyé sa Critique à Arnauld.
  3. (*) M. Arnauld a fait une Dissertation où il me justifie contre mes censeurs, et c’est son dernier ouvrage. [Cette note de Boileau lui-même n’est pas exacte, puisque la Lettre à Perrault est du mois de mai 1694, et que, depuis encore, Arnauld a composé ses quatre lettres à Malebranche.]
  1. Difficult. proposées à M. Steyaert, part. VI, pag. 275 et suivantes.
  2. C’est la Satire contre les Femmes.
  3. M. Marais, avocat au parlement de Paris.
  4. C’est ainsi qu’il y a dans l’édition dont je me sers, qui a été faite dans quelque ville des Provinces-Unies.
  5. Arnauld, cinquième Dénonciation du Péché Philosophique, pag. 57, 58.