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ARTÉMISE.

son mari, fut amoureuse d’un jeune homme [1].

On ferait une longue énumération, si l’on marquait tous ceux qui ont confondu les deux Artémises. Ravisius Textor [2] et les auteurs du Thesaurus Fabri, sont de ceux-là. Olivier, qui a fait un Commentaire sur Valère Maxime, en est aussi, quoiqu’il ait su que Strabon et Hérodote ne conviennent pas sur la généalogie de l’Artémise dont ils parlent [3]. Il s’est imaginé bonnement que l’un des deux se trompait, et n’a point compris que l’un parle de l’une, et l’autre de l’autre, et qu’ils ont tous deux raison. M. Hofman, à la vérité, donne deux articles d’Artémise, mais il a mis pêle-mêle dans le premier ce qu’il fallait dire séparément, et il ne sait si la femme de Mausole et la fille de Lygdamis sont une seule personne. D’ailleurs il cite Vitruve pour des faits qu’il ne touche pas. M. Lloyd l’avait précédé dans cette fausse citation, qu’il n’avait pas corrigée à Charles Étienne, sur lequel, d’autre côté, il fait une course assez surprenante ; il lui ôte tout l’article de l’Artémise qui suivit Xerxès : or, cet article était fort bon.

  1. Voyez les Nouveaux Dialogues des Morts, IIe. part., pag. 15, édition de Hollande.
  2. In Officinâ.
  3. Voyez le Valère Maxime Variorom, pag. 395, édit. de 1655.

ARTÉMISE, reine de Carie, fille d’Hécatomne [a], sœur et femme de Mausole, s’est immortalisée par les honneurs qu’elle rendit à la mémoire de son mari. Elle lui fit bâtir dans Halicarnasse, un tombeau très-magnifique, que l’on appela Mausolée, qui a été l’une des sept merveilles du monde, et qui a fait que depuis on a donné le titre de mausolée à tous les tombeaux où la somptuosité paraissait avec éclat. Pline nous a laissé une description assez particularisée de ce superbe monument [b]. On la peut voir en français dans l’histoire de M. Chevreau [c], et dans le Supplément de Moréri. Artémise ne survécut que deux ans à son cher mari [d], qui était mort sans enfans [e], après vingt-quatre années de règne, vers la fin de la 106e. olympiade (A). Elle mourut de regret et de tristesse [f] (B), avant que le mausolée fût achevé [g]. On dit qu’elle détrempa les os et les cendres de son mari dans de l’eau, et qu’elle les avala, afin de lui servir d’un tombeau vivant [h]. Il faut se souvenir qu’elle lui fit faire d’excellens panégyriques, et qu’elle proposa un prix de grande valeur pour celui qui s’en acquitterait le mieux [i]. Théopompe le remporta. On dit qu’Isocrate, son maître, fut l’un des orateurs qui se mirent sur les rangs (C). Théodecte de Phaselide, qui s’y mit aussi, composa une tragédie intitulée Mausolus, qui eut plus de succès que sa prose. Mais il ne faut pas oublier, qu’au lieu des lamentations et des pleurs, où la plupart des écrivains plongent Artémise durant sa viduité, il y en a qui lui font faire des conquêtes très-vigoureuses (D).

  1. Strabo, lib. XIV, pag. 451. Suidas, in Ἀρτεμισία.
  2. Plinius, lib. XXXVI, cap. V.
  3. Liv. VII, chap. III.
  4. Diodorus Siculus, lib. XVI.
  5. Strabo, lib. XIV, pag. 471.
  6. Voyez la remarque (D).
  7. Plinius, lib. XXXVI, cap. V.
  8. Aulus Gellius, lib. X, cap. XVIII. Val. Maximus, lib. IV, cap. VI.
  9. Aulus Gellius, lib. X, cap. XVIII. Plutarch., in Vitâ Isocratis.

(A) Mausole, son mari, mourut... vers la fin de la 106e. olympiade. ] Presque toutes les éditions de Pline