Page:Bayle - Dictionnaire historique et critique, 1820, T02.djvu/496

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
486
ATHÉNAGORAS.

qu’il y présenta actuellement leur apologie (B) ; mais il y a lieu de douter de ces faits-là, et l’on peut croire assez vraisemblablement la même chose touchant cet écrit, que touchant une infinité de requêtes des protestans de France, qui ont été imprimées, sans avoir jamais été présentées au prince (C). Je ne sais sur quoi l’on se fonde, quand on dit qu’Athénagoras était prêtre [a]. On a quelque raison d’être surpris qu’il ait été inconnu à Eusèbe, à saint Jérôme, et à presque tous les autres pères ; car on ne le trouve cité que dans un ouvrage de saint Épiphane (D). Il n’était pas bien purgé de toute hétérodoxie (E) : à cela près, les deux ouvrages qu’on a de lui sont importans [b]. Le style en est bon et bien attique, mais un peu trop chargé d’hyperbates et de parenthèses. Ils ont été mis sous la presse une infinité de fois, comme on le peut lire dans M. du Pin, qui a oublié néanmoins quelques éditions (F). Je parlerai d’un roman, qui a paru sous le nom d’Athénagoras (G). Si j’eusse pu consulter la dissertation que le père le Nourry a publiée [c], j’en eusse tiré sans doute quelques bons matériaux pour cet article ; mais son ouvrage n’est point parvenu encore jusqu’à nous [d], quoiqu’il ait été imprimé l’an 1697. J’en ai vu quelque chose dans le journal des savans [e], et dans les Acta Eruditorum de Leipsick [f].

(A) Il adressa…. son Apologie l’an 179,... ou l’an 168... Il n’est pas aisé d’établir que la dernière opinion soit plus probable que la première. ] On allègue de part et d’autre beaucoup de raisons. Voici celles de M. Dodwel [1]. L’Apologie d’Athénagoras est adressée à deux empereurs, à qui l’auteur donne les titres d’Armeniacis, Sarmaticis, et quod maximum est, philosophis. Cela convient à Marc Aurèle et à Lucius Aurèle son frère, mais non pas à Lucius Aurèle son fils. Celui-ci n’a jamais été nommé philosophe, et il paraît, par la seconde Apologie de Justin, que ce titre était commun à Lucius Aurèle et à Marc Aurèle son frère. Hunc titulum cum Marco Lucium Verum habuisse communem constat à secundâ Apologiâ Justini [2]. Le père Pagi, Dissert hypat. pag. 216, se sert de la même raison, et cite Eusèbe, liv. IV, chap. XII. Or ce Lucius Aurèle mourut vers la fin de l’an 169. L’Apologie fut donc présentée avant ce temps-là. Je laisse les raisons particulières qui ont fait choisir à M. Dodwell l’an 168 pour l’époque de cet ouvrage. On lui objecte que l’éloge de sarmatique ne peut convenir à Lucius Aurèle, mort avant que l’on attaquât les Sarmates ; mais il répond que cet éloge s’est glissé là par la faute des copistes, au lieu de celui de parthique, qui fut donné aux deux frères, avec celui d’arménique, après la guerre d’Arménie [3]. Il ajoute que la paix profonde dont Athénagoras félicite les empereurs [4], ne peut convenir au temps que Marc Aurèle et son fils ont régné ensemble. Il ne dit rien sur la principale objection ; et néanmoins on peut y

  1. Le père Labbe, Dissertat. de Script. ecclesiast., tom. I, pag. 65, l’assure, et Moréri aussi.
  2. L’autre est un Traité de Resurrectione.
  3. C’est la IIIe. du IIe. tome de son Apparatus ad Bibliothecam maximam Veterum Patrum.
  4. J’écris ceci en avril 1699.
  5. Du 13 de mai 1697, pag. 331.
  6. Du mois de décembre 1698, pag. 554.
  1. Dodwel, Dissertat. Cyprian. XI, num. 37.
  2. Idem, ibid., pag. 261.
  3. Capitol., in Vitâ Marc. Aurel., cap. IX, pag. 325.
  4. Ἠ σύμπασα οἰκουμένη τῆ ὑμετέρα συνέσει βατείας εἰρήνης ἀπολαύουσιν. Universus terrarum orbis per vestram providentiam profundâ fruitur pace. Athenag., pag. 14.