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ATHÉNAGORAS.

répondre quelque chose, comme on le verra bientôt. N’oublions pas qu’il prétend qu’Athénagoras insinue que son Apologie fut faite dans la même olympiade que Peregrin se brûla [1]. Cette action de Peregrin appartient, selon MM. Dodwel et de Tillemont [2], à l’an 165 ; mais Scaliger l’a mise sous l’année 166 [3]. Il se fonde sur ce que Peregrin donna ce spectacle pendant la célébration des jeux olympiques. Il croit que l’ouvrage d’Athénagoras fut présenté aux empereurs dans la même olympiade : sa raison est que Peregrin se jeta au feu trois ans avant la mort de Lucius Verus, l’un de ces empereurs. Ce raisonnement est meilleur que la preuve que M. Dodwel a fondée sur les paroles d’Athénagoras ; car elles marquent seulement le lieu, et non pas le temps où cet homme se brûla. Περὶ τὴν᾽ Ολυμπίαν [4]. Prope urbem Olympiam. Voyez M. de Tillemont [5]. La preuve tirée de la profonde paix de l’empire est d’une telle nature, qu’elle sert aux deux partis : le cardinal Baronius allègue ce fait comme une marque que l’Apologie n’a pu être présentée sous le règne du frère de Marc Aurèle, ni en aucun autre temps qu’en 179 [6]. M. de Tillemont n’a pas bien compris la pensée de ce cardinal, puisqu’il lui impute d’avoir inséré que cette apologie n’a été écrite qu’en [176, ou] 177, de ce qu’elle marque que l’empire était alors dans une profonde paix [7].

Voici les principales raisons de ceux qui prétendent que l’Apologie d’Athénogoras n’a point été présentée avant l’an 177, qui fut celui de la promotion de Commode, fils de Marc Aurèle, à la dignité d’Auguste [8]. Ils soutiennent que celui qui est collègue de Marc Aurèle dans l’inscription de l’Apologie, était le fils, et non pas le frère de cet empereur, et ils le prouvent par les paroles où ces deux princes sont comparés à Dieu le Père, et à Dieu le Fils. Ipsa quidem oratio longè validius nobis præbet argumentum. Vos quidem, subjicit vir disertus, in summâ imperii majestate adeò conjunctis animis orbem regitis, ut indè cœlestis etiam regni contemplationem animo quis complecti queat. Ut vobis enim Patri et Filio in potestate sunt omnia, regno in vos divinitùs collocato, (regis enim anima, inquit spiritus propheticus, in manu Dei est) sic uni Deo et filio ejus hoc est Verbo subjecta sunt omnia. Nullus hìc est cavillationibus locus : imperatores non tantùm alloquitur, sed etiam comparationem instituit duos inter terrenos reges, quibus omnia humanitùs loquendo parebant, ac summum cœli et terræ Dominum qui simul cum suo unigenito imperii orbis universi habenas moderatur [9]. Voilà comment M. de Larroque a fait valoir cette preuve. M. de Tillemont y a joint un autre passage. « Athénagore [* 1] souhaite à ces deux princes que le fils succède à son père : ἵνα παῖς παρὰ πατρὸς διαδέχησθε τὴν βασίλειαν. Il parle donc à un père et à un fils, dont l’un seulement possédait l’empire, quoique l’autre pût avoir le titre d’empereur, c’est-à dire, à Marc Aurèle, et à Commode son fils, et non pas à deux frères qui régnaient ensemble. Il est encore plus clair en un autre endroit [* 2], où il dit, Tout est soumis à vos majestés, au père et au fils : ὡς ὑμῖν πατρὶ καὶ ὑιῷ πάντα κεχείρωται : de quoi le père Pagi [* 3] n’a pu s’échapper, qu’en disant qu’Athénagore fait Lucius fils de Marc Aurèle, quoique ce fût son frère, afin de faire une allusion plus juste aux deux personnes de la Trinité, le Père et le Fils [10]. » Le père Pagi se servirait là d’un subterfuge qui ne serait guère propre à tromper. Il eût mieux valu se défendre en disant qu’Athénagore n’igno-

  1. (*) Athenagor. Leg., pag. 40, a.
  2. (*) Pag. 17, d.
  3. (*) Pagi. 177, § VIII.
  1. C’est la 236.
  2. Tillemont, Hist. des Empereurs, tom. II, pag. 758.
  3. Scalig., Animadv. in Euseb., num. 2182, pag. 220.
  4. Athenagor., pag. 244.
  5. Tillemont, Hist. des Empereurs, tom. II, pag. 1067.
  6. Baron., ad ann. 179, num. 40, pag. 228.
  7. Tillemont, Hist. des Empereurs, pag. 1066.
  8. M. de Larroque, ayant suivi Eusèbe, a mis cette promotion sous l’an 179. Daniel Larroquanus Mathæi filius, Dissertat. de legione fulminatrice, pag. 648.
  9. Id., ibid., pag. 649.
  10. Tillemont, Hist. des Empereurs, tom. II, pag. 1066.