Page:Bayle - Dictionnaire historique et critique, 1820, T02.djvu/507

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
497
ATHÉNÉE.

nommer le Varron des Grecs [a]. De tous les ouvrages qu’il composa (B), il ne nous reste que celui qui avait pour titre Les Dipnosophistes, c’est-à-dire, les Sophistes à table [b], dans lequel il introduit un certain nombre de savans de toutes sortes de professions, qui discourent d’une infinité de choses à la table d’un bourgeois de Rome, nommé Larensius. Il y a une infinie variété de faits et de citations dans cet ouvrage d’Athénée, qui en rendent la lecture très-agréable à ceux qui sont assez habiles pour aimer l’antiquité avec connaissance de cause. Mais il ne faut point douter que les savans qui étaient contemporains de l’auteur, ne jugeassent moins avantageusement de son ouvrage que l’on n’en juge en ce siècle. Ces savans pouvaient aller à la source, et y avaient vu la plupart des choses qu’Athénée leur débitait : ainsi ils ne considéraient son ouvrage que du mauvais côté, que comme un entassement et une compilation de recueils. Mais pour nous, qui ne pouvons plus consulter qu’une très-petite partie des auteurs allégués par Athénée, et qui ne trouvons que dans son livre cent particularités curieuses dont il parle, nous regardons sa compilation comme un trésor très-précieux ; nous la considérons du beau côté, et nous transportons sur l’auteur l’estime que nous avons pour les raretés qu’il rapporte, qui ne sont devenues des raretés, que parce que les livres d’où il les avait tirées ne subsistent plus. C’est ainsi qu’il y a tel compilateur, dont notre siècle ne fait nul cas, qui serait admiré d’ici à mille ans, s’il arrivait dans la république des lettres les mêmes révolutions qui ont fait périr la plupart des livres des anciens auteurs grecs et romains. Nous ne pouvons pas répondre qu’il n’arrivera jamais rien de semblable. Ne blâmons donc pas ceux qui compilent, ils travaillent peut-être plus utilement pour les siècles à venir, que les auteurs qui n’empruntent rien de leurs confrères. On trouve dans les Dipnosophistes de notre auteur plusieurs traits de médisance, et plusieurs morceaux de la chronique scandaleuse, et bien des contes obscènes. Il ne nous reste point de livre qui ait été plus maltraité qu’Athénée par les copistes (C) ; toutes les éditions que l’on en a sont très-imparfaites (D). Quelqu’un avait fait un abrégé de cet ouvrage (E) ; M. Moreri s’est voulu mêler de dire un mot de cela, et s’est fort trompé (F). Tout ce qu’il a dit d’Athénée, et de deux autres personnes de ce nom, est défectueux (G). Nous verrons en quoi cela consiste dans la dernière remarque de cet article.

(A) Athénée...… a fleuri au IIIe. siècle. ] M. le Fèvre a censuré Helvicus qui, en citant Suidas, a mis Athénée sous l’empire d’Antonin Pius [1]. Ce sont deux fautes ; car Suidas

  1. Voyez la préface de Casaub. sur Athénée.
  2. Δειπνοσοϕιςῶν βιϐλία πέντε καὶ δέκα. Deipnosophistarum libri quindecim. Vossius aurait mieux fait de ne pas employer deux fois dans la même page (c’est la 232e. de Histor. Græcis, ) le terme Δειπνοσοϕιςικῶν.
  1. Tanaq. Faber, Epistol. LXIII, lib. I, pag. 211, 212.