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ATHÉNÉE.

dore Marsilius, qu’il traite assez durement sans le nommer [1]. Cet homme emploie beaucoup de verbiage dans son commentaire sur Perse pour prouver que l’Athénée, et le temple d’Apollon Palatin, étaient la même chose. Vossius lui a relevé la même faute, et lui a donné pour complice le père Raderus sur l’épigramme LXX du livre X de Martial [2]. Il aurait pu lui donner pour second complice Savaron, qui, par ces paroles d’Horace

..............Hæc ego ludo,
Quæ nec in æde sonent certantia judice Tarpâ [3]


entend qu’Horace ne voulait pas que ses vers fussent lus dans l’Athénée [4]. Il donne cette explication comme les propres paroles d’un ancien scoliaste. Lipse se sert de la même autorité, quoiqu’il avoue qu’un autre vieux scoliaste entend là par ædem le temple d’Apollon Palatin [5]. Si ce savant homme avait songé au passage d’Aurélius Victor, il n’eût point préféré l’explication du premier de ces scoliastes, à celle du dernier [6]. Voyez en son lieu l’article Tarpa.

(C) Ceux qui prêtaient leurs maisons aux poëtes, pour y réciter leurs ouvrages, leur laissaient bien des frais à faire. ] L’auteur du dialogue de Causis corruptæ Eloquentiæ m’en est garant, lorsqu’il dit, Domum mutuatur, et auditorium exstruit, et subsellia conducit, ut beatissimus recitationem ejus eventus consequatur. Juvénal me servira de second témoin ; car il menace les poëtes du chagrin de ne trouver aucun grand seigneur, qui leur donne de quoi se rembourser de la dépense qu’ils auront faite :

Nemo dabit regum quanti subsellia constent,
Et quæ conducto pendent anabathra tigillo,
Quæque reportandis posita est orchestra cathedris [7].

Je ne voudrais pas nier qu’ils n’aient quelquefois récité dans une maison de louage ; mais je ne saurais m’empêcher de dire que Vossius le soutient sans nulle raison, puisque les témoignages qu’il en allègue ne signifient rien moins que ce qu’il prétend. Le premier passage qu’il cite est celui du dialogue de Causis corruptæ Eloquentiæ, où l’on vient de voir domum mutuatur, ce qui signifie maison d’emprunt, et non pas maison louée. Le second est de Juvénal, et consiste en ces paroles :

..... Cùm jam celebres notique Poetæ
Balneolum Gabiis, Romæ conducere furnos
Tentarent [8] ;

Ce qui ne marque que la maudite stérilité du métier, qui avait pensé contraindre les poëtes à faire banqueroute aux muses, afin de gagner leur vie dans quelque emploi mécanique, comme vous diriez la profession de baigneur, de boulanger, de crieur. Le troisième témoignage est tiré de ces paroles du même Juvénal :

Ipse facit versus, atque uni cedit Homero
Propter mille annos ; et si dulcedine famæ
Succensus recitet, Maculonis commodat ædes [9].

Il est si manifeste que, dans ce passage, non plus que dans le précédent, il n’est point dit que les poëtes louassent la chambre où ils récitaient leurs poésies, qu’on ne saurait comprendre comment de telles méprises ont pu échapper à la vue du savant Vossius. Remarquez qu’elles se trouvent dans un livre qui fut imprimé durant la vie de l’auteur [10], et qui a pour titre, de Imitatione cum oratoriâ tum præcipuè poëticâ, deque Recitatione Veterum. Ce dernier sujet a été traité amplement par Cresollius dans son Théâtre des anciens sophistes.

  1. Casaubon. Comment. in Capitol. Vit Pertin.
  2. Vossius, de Imitat., pag. 36.
  3. Horat., Satir. ult., vs. 37, lib. I.
  4. Savar., in Sidon, Apollon., Epist. XIV, lib. IX.
  5. Lipsius, Epist. XLVIII, Centuriæ II, ad Belg.
  6. Voyez Vossius, de Imitat., pag. 61.
  7. Juvenal., Satirâ VII, vs. 45.
  8. Juvenal., Satirâ VII, vs. 3.
  9. Idem, ibid., vs. 38.
  10. À Amsterdam, en 1647, avec les Institutiones poëticæ.

ATHÉNÉE, grammairien grec, natif de Naucratis en Égypte, a fleuri au IIIe. siècle (A). C’était un des plus savans hommes de son temps : il avait tant lu, et il se souvenait de tant de choses, qu’on peut justement le