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ATHÉNÉE.

chelius le lui envoya : il y manquait le premier livre et une partie du second, de sorte qu’on avait retranché du commencement presque tout ce qui en avait été inséré dans les éditions d’Athénée, pour suppléer ce qui s’est perdu des Dipnosophistes.

(F) M. Moréri s’est voulu mêler de parler de l’abrégé d’Athénée, et... s’est fort trompé. ] Voici ses paroles : Athénée a écrit un ouvrage des Dipnosophistes en quinze livres, qu’Hermolaüs de Byzance mit en abrégé, selon Suidas. Je ne dis rien de son péché d’omission : il est assez évident qu’il devait nous dire si ce que l’on a est l’ouvrage même, ou seulement l’abrégé qu’il nous annonce. Arrêtons-nous seulement aux péchés de commission. 1°. Il est faux qu’Hermolaüs de Byzance ait abrégé Athénée. 2°. Il est faux que Suidas le dise. 3°. Il est faux que Suidas ait parlé d’aucun abréviateur des Dipnosophistes. Casaubon me parut d’abord être la cause de l’égarement, la cause, dis-je, très-innocente ; car qui aurait jamais deviné que l’on broncherait sur ces paroles ? Putem confectam Constantinopoli ante annos quingentos et ampliùs hanc epitomen ab aliquo grammatico, qualis fuit Hermolaus Byzantius, auctor eorum excerptorum quæ hodiè pro Ἐθνικῶν Stephani libris in doctorum manibus versantur [1]. Mais j’ai trouvé dans la suite que c’est Charles Étienne, qui a trompé M. Moréri. Je pense que Volaterran est le premier qui a imputé faussement à Suidas d’avoir dit qu’Hermolaüs de Byzance avait abrégé Athénée. On releva cette faute de Volaterran dans l’édition d’Athénée de l’an 1535, comme on peut l’apprendre sans consulter cette édition, pourvu qu’on jette les yeux sur la Bibliothéque de Gesner. Quelque aisé qu’il fût de ne pas tomber dans la même faute, puisque Gesner la marquait, il est sûr que Charles Étienne, Lloyd, et Hofman y sont tombés tout de leur long ; et ils ont assuré, qui pis est, qu’il ne nous reste d’Athénée que l’abrégé d’Hermolaüs Byzantin : Opus, quod ad nos sanè haudquaquàm integrum pervenit : ejus epitome ab Hermolao Byzantio Tantum relicta : authore Suidâ.

(G) Ce qu’il a dit... de deux autres personnes de ce nom est fort défectueux. ] Ce sont Athénée l’historien et Athénée le philosophe. M. Moréri débite que le premier Athénée a écrit l’Histoire de Sémiramis, et que cette histoire se trouve dans le deuxième livre de Diodore de Sicile, et que Muret l’a décrite sans citer l’auteur. Il faut être bien peu attentif, lors qu’on ne sent pas que ces paroles renferment je ne sais quoi de contradictoire. Un historien met-il dans un petit coin de son ouvrage tout ce qu’un autre historien a écrit sur un long règne, sur un règne fécond en événemens ? Un critique comme Muret pourrait-il enfermer dans un de ses courts chapitres [2] toute la vie de Sémiramis ? Cela est absurde. Il fallait donc s’exprimer en cette manière, ou en quelque autre semblable : Diodore de Sicile rapporte une action de Sémiramis, et cite un auteur qui s’appelait Athénée. Muret rapporte la même action, sans citer personne. Conclure de là que cet Athénée avait composé l’histoire de Sémiramis, et par conséquent qu’il doit avoir place entre les historiens, c’est aller trop vite : sur ce pied-là Sénèque aurait fait l’histoire de presque tous les grands hommes ; car il n’y en a guère dont il ne rapporte quelque action, ou quelque sentence mémorable. Cela soit dit contre Vossius, qui, à tout hasard, met au nombre des historiens celui dont Diodore de Sicile fait mention ; mais il s’est bien gardé de dire positivement que cet Athénée ait fait l’histoire de Sémiramis.

À l’égard d’Athénée le philosophe, il est faux que Strabon, cité par M. Moréri, dise qu’il enseigna dans Rome la philosophie d’Aristote ; qu’étant retourné chez lui il fut accusé d’avoir dessein de former une république, et qu’on l’arrêta. Voici ce que Strabon en dit [3] : « Athénée, philosophe péripatéticien, natif de Séleucie dans la Cilicie, eut part au gouvernement, et fut démagogue [4] dans sa patrie, pendant quel-

  1. Idem, Animadv., pag. 3.
  2. C’est le XVIIe. du VIe. livre variarum Lectionum. Moréri l’a cité ; mais on a mis cette citation à l’article d’Athénée, médecin.
  3. Strabo, lib. XIV, pag. 461.
  4. Qu’il me soit permis d’employer ce mot à la manière des Grecs, pour signifier ceux