Page:Bayle - Dictionnaire historique et critique, 1820, T02.djvu/517

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
507
ATTICUS.

veteris ordinem maximè scilicet nostræ civitatis, sed et imperiosorum populorum et regum illustrium : quem laborem nobis Attici nostri levavit labor, qui conservatis notatisque temporibus nihil cùm illustre prætermitteret, annorum septingentorum memoriam uno libro colligavit. Peu s’en faut qu’il n’y eût des tables chronologiques dans ces Annales. Habuit iste liber Attici et nova mihi quidem multa, et eam utilitatem quam requirebam, ut explicatis ordinibus temporum uno in conspectu omnia viderem [1]. J’ai déjà dit qu’Atticus observait fort nettement l’ordre généalogique : j’ajoute ici qu’il fit des Traités particuliers sur quelques familles, et qu’il composa des Inscriptions de quatre ou cinq vers chacune, pour mettre sous le portrait des hommes illustres, et qu’on admirait son adresse à comprendre tant de choses en si peu de mots. Attigit quoque poëticen, credimus, ne ejus expers esset suavitatis. Namque versibus, qui honore rerumque gestarum amplitudine cæteros romani populi præstiterunt, exposuit ità ut singulorum imaginibus facta magistratusque eorum non ampliùs quaternis quinisque versibus descripserit, quod vix credendum sit tantas res tam breviter potuisse declarari [2]... Moris etiam majorum summus imitator fuit antiquitatisque amator, quam adeò diligenter habuit cognitam, ut eam totam in eo volumine exposuerit quo magistratus ornavit. Nulla enim lex, neque pax, neque bellum, neque res illustris est populi romani, quæ non in eo suo tempore sit notata, et quod difficillimum fuit, sic familiarum originem subtexuit ut ex eo clarorum virorum propagines possimus cognoscere. Fecit hoc idem separatim in aliis libris, ut M. Bruti rogatu Juniam familiam à stirpe ad hanc ætatem ordine enumeravit, notans qui à quo ortus, quos honores, quibusque temporibus cepisset. Pari modo Marcelli Claudii de Marcellorum ; Scipionis Cornelii, et Fabii Maximi de Corneliorum et Fabiorum et Æmiliorum quoque, quibus libris nihil potest esse dulcius iis qui aliquam cupiditatem habent notitiæ clarorum virorum [3]. C’est dommage que ces livres se soient perdus, ils éclairciraient un nombre infini de difficultés. Je ne dis rien de l’Histoire du consulat de Cicéron, qu’Atticus avait écrite en langue grecque [4], et sans ornemens [5].

(I) Il est tombé de nos jours entre les mains d’un censeur très-dangereux. ] C’est M. l’abbé de Saint-Réal. Voyez le livre intitulé Césarion, ou Entretiens divers. Il fut imprimé à la Haye, sur la copie de Paris, en 1685. Il est divisé en quatre journées, dont la troisième est une critique fort rigoureuse de Pomponius Atticus, et de son panégyriste Cornélius Népos. On m’a dit que l’auteur de cet ouvrage a persisté dans les mêmes sentimens, et que cela paraît par les remarques qu’il a jointes à la traduction des deux premiers livres des Lettres de Cicéron à Atticus. On a parlé de cette version dans un livre fort connu [6], et je me suis toujours étonné que les libraires d’Amsterdam ne la contrefissent pas ; car je ne doute point qu’il n’y ait beaucoup de profit à faire dans la lecture de cet ouvrage.

(K).… Mais on ne l’a pas abandonné à la rigueur de cette censure. ] Il parut un petit livre en Hollande, l’an 1686, sous le titre de le Retour des pièces choisies, ou Bigarrures curieuses, parmi lesquels on inséra l’Apologie de Pomponius Atticus contre les attaques de Césarion. L’auteur de l’Apologie ne se nomma pas ; mais on n’ignore point que c’était feu M. Rainssant, garde du cabinet des médailles de sa majesté T.-C. Les Nouvelles de la république des lettres [7] s’étendirent sur l’écrit de M. Rainssant d’une manière qui ne plut pas à M. l’abbé de Saint-Réal.

(L) Nous aurons quelque chose à corriger à son sujet dans le Dictionnaire de M. Moréri. ] 1°. Il est faux que Cicéron ait épousé la sœur d’Atticus. Ce fut le frère de Cicéron qui l’épousa. 2°. Il ne fallait point parler des liaisons d’amitié produites par ce mariage, puisque Cornélius Népos remarque très-expressément que l’amitié d’Atticus fut beau-

  1. Cicero, in Bruto.
  2. Cornelius Nepos, cap. XVIII.
  3. Idem, ibidem.
  4. Idem, ibidem.
  5. Cicero, Epistol. I, lib. II, ad Atticum.
  6. Au XXe. tome de la Bibliothéque Universelle, pag. 37. Voyez aussi le Journal des Savans du 12 février 1691.
  7. Au mois de décembre 1686, article IV, pag. 1405.