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ATTICUS.

quo beneficio ille uti noluit, quod nonnulli interpretantur, amitti civitatem romanam ; aliâ adscitâ. Quamdiù affuit ne qua sibi statua poneretur restitit, absens prohibere non potuit..... Tranquillatis autem rebus romanis remigravit Roman... Quem diem sic universa civitas Atheniensium prosecuta est, ut lacrymis desiderii futuri dolorem indicaret [1]. Il parlait si bien la langue grecque, qu’on l’eût pris pour un Athénien [2]. Quelques-uns croient que le surnom d’Atticus lui vint de là. Volaterran l’assure comme une chose dite par Cornélius Népos [3] ; mais il se trompe. M. l’abbé de Saint-Réal débite qu’Atticus se nommait ainsi parce qu’il était fort savant en grec, et qu’il demeurait la plupart du temps à Athènes [4]. On lui a représenté [5] qu’il aurait fallu dire simplement à cause du long séjour qu’il fit pendant sa jeunesse à Athènes, puisqu’il est certain qu’il demeura la plupart de sa vie en Italie ou en Épire, où il avait beaucoup de bien, comme il paraît par sa vie écrite par Cornélius Népos, et par divers endroits des lettres de Cicéron.

(F) Il faisait toujours lire à sa table, lors même qu’il régalait ses amis. ] S’il eût tenu table ouverte indifféremment pour tous ceux qui se seraient présentés, il se fût rendu incommode à bien des gens par cette coutume de faire lire ; mais il n’invitait que des personnes de son humeur. Nemo in convivio ejus aliud acroama audivit quàm anagnosten.... Neque unquàm sine aliquâ lectione apud eum cœnatum est, ut non minùs animo quàm ventre convivæ delectarentur, namque eos vocabat quorum mores à suis non abhorrerent [6].

(G) Il aurait pu parvenir aux grandes charges de la république ; mais il aima mieux y renoncer. ] C’est apparemment la plus forte preuve qu’il ait donnée de sa vertu. On ne pouvait alors s’élever aux charges que par de mauvaises voies ; et l’on ne pouvait les exercer selon les règles de la justice, et pour le bien de la patrie, sans s’exposer à la violence d’une infinité de méchans. Il aima mieux se tenir dans une condition privée que d’aller aux dignités aux dépens de sa conscience. Que cela est beau ! Que cela est rare ! Si tout le monde ressemblait à Atticus, on aurait lieu d’appréhender l’état d’anarchie ; mais on peut dormir en repos de ce côté-là : il y aura toujours plus de malhonnêtes gens prêts à occuper les charges par toutes sortes de voies illégitimes, qu’il n’y aura de charges à conférer. J’ai ouï dire qu’un homme, qui n’avait fait que voyager toute sa vie, répondit à ceux qui lui reprochaient son humeur ambulatoire, qu’il aurait bien voulu se fixer dans quelque ville ; mais qu’il n’en avait trouvé aucune où la puissance et le crédit fussent entre les mains des honnêtes gens. On dit un jour à un autre voyageur qui assura qu’il cesserait de courir de lieu en lieu, dès qu’il trouverait une ville gouvernée par les personnes qui avaient le plus de mérite : Vous mourrez donc en voyageant ? Honores non petiit, cùm ei paterent propter vel gratiam vel dignitatem : quòd neque peti more majorum, neque capi possent conservatis legibus in tam effusis ambitûs largitionibus, neque geri è republicâ sine periculo corruptis civitatis moribus [7].Conférez avec ceci ce que l’on a dit ci-dessus dans l’article d’Alexander ab Alexandro, remarque (C).

(H) Il doit être compté au nombre des bons auteurs. ] Il composa des Annales où il observa une chronologie très-exacte, et débrouilla le plus nettement du monde les généalogies des magistrats romains. Cet ouvrage comprenait sept siècles, et par-là on peut aisément conjecturer qu’il regardait principalement l’histoire de Rome : je dis principalement, car il ne faut point douter que l’auteur ne fit connaître dans une suite chronologique l’histoire abrégée de plusieurs autres états. Cicéron ne permet point. d’en douter : Cognoscat etiam, dit-il [8], rerum gestarum et memoriæ

  1. Idem, cap. III, et IV.
  2. Idem, cap. IV.
  3. Volaterranus, lib. XVIII, pag. 666.
  4. Remarques sur les lettres de Cicéron à Atticus, dans la Bibliothéque Universelle, tom. XX, pag. 78.
  5. L’auteur de la Bibliothéque universelle, là même.
  6. Cornelius Nepos, cap. XIV.
  7. Idem, cap. VI.
  8. Cicero, in Oratore.