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ANAXANDRIDE.

ils donnèrent des gardes à la reine [a], pour être assurés du fait. Ce ne fut nullement une feinte : la dame accoucha d’un garçon, que l’on nomma Dorieus [* 1]. Quelque temps après, elle accoucha de deux jumeaux, dont l’un fut ce brave roi Léonidas, qui périt si glorieusement au passage des Thermopyles, et l’autre eut nom Cléombrotus [b]. Le fils de la seconde femme n’avait presque pas le sens commun : Dorieus, au contraire, surpassait en toutes choses les personnes de son âge ; néanmoins on rejeta ses prétentions, qui étaient que l’on eût moins d’égard au droit d’aînesse qu’au mérite. Cléomènes, nonobstant son indignité, succéda à la couronne [c] : les lois du pays le voulaient ainsi, et on les observa. Anaxandride fut plus favorisé de la fortune que les rois ses prédécesseurs à l’égard des Tégéates ; car les Lacédemoniens commencèrent à les vaincre sous son règne [d], c’est-à-dire, environ la 60e. olympiade (A). Plutarque nous a laissé un recueil des apophthègmes d’Anaxandride parmi ceux des Lacédémoniens. Le Supplément de Moréri est ici tout plein de bévues (B).

  1. * Dorieüs, dit Joly d’après les Jugemens, etc., est une faute, Ce mot n’a que trois syllabes : Dorieus.
  1. On pourrait traduire le grec d’Hérodote en ce sens : qu’ils firent eux-mêmes les inspecteurs ou les gardes de la reine.
  2. Il y en a qui disent que Léonidas et Cléombrotus naquirent de deux grossesses.
  3. Ex Herodoti, lib. V, cap. XXXIX et sequent. Voyez aussi Pausanias, lib. III, pag. 84.
  4. Pausan., ibid. Herod., libr. I, cap. LXVII.

(A) Les Lacédémoniens commencèrent à vaincre les Tégéates sous son règne, c’est-à-dire, environ la 60e. olympiade. ] Les historiens observent que les Tégéates ne furent vaincus par les Lacédémoniens qu’après que ceux-ci eurent transporté dans leur ville les os d’Oreste qui étaient enterrés à Tégée. Cette translation se fit en la 58e. olympiade : Priscorum autem testantur molem etiam Orestis suprema, cujus ossa olympiade quinquagesimâ et octavâ Tegeæ inventa à Spartanis oraculo monitis discimus implêsse longitudinem cubitorum septem [1]. On sait d’ailleurs que Cléomènes, fils et successeur d’Anaxandride, fut exhorté à faire la guerre à Polycrate, tyran de Samos [2], qui mourut misérablement la seconde année de la 64e. olympiade [3]. Je ne remarque pas que Cléomènes régnait depuis assez long-temps, lorsque les descendans de Pisistrate furent obligés de sortir d’Athènes : ce qui arriva environ la 67e. olympiade [4]. M. Moréri ne devait pas dire : qu’on ne sait pas bien le temps auquel Anaxandride a vécu ; ni que les Éphores l’obligèrent de répudier sa première femme ; ni que le fils aîné de cette première femme s’appelait Dorcée. Il fallait le nommer Dorieüs, ou Doriée. Je ne dis rien de ses fautes d’omission, quoiqu’elles ne soient pas petites. Je ne dois point passer sous silence qu’il est malaisé d’accorder Solin avec Hérodote à l’égard de la chronologie. Solin met la translation des os d’Oreste à la 58e. olympiade. Mais, selon Hérodote [5], les Lacédémoniens avaient déjà remporté plusieurs avantages sur ceux de Tégée depuis cette translation, lorsque Crésus rechercha leur amitié. Or, il la rechercha avant que de faire la guerre à Cyrus ; et son expédition contre Cyrus tombe sur la fin de la 56e. olympiade [6] : comment donc accorderait-on la chronologie de Solin avec celle d’Hérodote ? Quoi qu’il en soit, M. Moréri ne devait pas dire qu’on ne sait pas le temps auquel

  1. Solinus, cap. I, pag. 9.
  2. Plutarch. in Apophth., pag. 223, C.
  3. Calvisius, ad ann. mundi 3428.
  4. Idem, ad ann. mundi 3440.
  5. Lib. I, cap. LXVIII et LXIX.
  6. Vide Calvisium ad ann. mundi 3398.