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ANAXANDRIDE.

Anaxandride a régné ; car ne lit-on pas dans Hérodote qu’il régna au temps de Crésus [1] ?

(B) Le Supplément de Moréri est ici tout plein de bévues. ] Ajoutons aux trois fautes de Moréri, que nous venons d’indiquer, celles de son continuateur. En premier lieu, il n’est pas vrai qu’Anaxandride fût fils d’Eurycrate II : il était son petit-fils [2], et fils de Léon. En deuxième lieu, il n’est pas vrai qu’Anaxandride prit la ville de Tégée, avant que les os d’Oreste en eussent été tirés. Ce ne fut qu’après cette translation, que la fortune cessa de favoriser les Tégéates : comment donc se pourrait-il faire que leur ville capitale eût été prise avant que les os d’Oreste en eussent été transportés ? La prise de la ville capitale n’est-elle pas la ruine entière de cette sorte de petites républiques ? En troisième lieu, il n’est pas vrai que Glycas [3] entra dans Tégée à la suite du victorieux Anaxandride ; il y alla comme l’on va en temps de paix aux villes de ses voisins. En quatrième lieu, ce ne fut point lui qui trouva le tombeau d’Oreste, et qui en retira les os : il rapporta seulement, lorsqu’il fut de retour à Lacédémone, qu’il croyait que le sépulcre d’Oreste était chez un forgeron de Tégée. Ce forgeron lui avait conté, qu’en faisant un puits à la cour de sa maison, il avait trouvé un tombeau de sept coudées, et reconnu, en l’ouvrant, que celui pour lequel on l’avait fait avait été de cette taille. Lychas conclut que c’était le tombeau d’Oreste, parce que l’oracle avait dit qu’on le trouverait à Tégée, dans un lieu où deux vents étaient chassés avec impétuosité, et où se voyait l’image d’un combat, et plaie sur plaie. Il appliqua ces choses aux soufflets, au marteau, et à l’enclume du forgeron. Il ne fit que tirer cette conjecture, et la communiquer à ses supérieurs, qui, sur cela, bannirent un criminel. Celui-ci se retira à Tégée, et prit à louage du forgeron l’endroit où le tombeau de sept coudées avait été découvert. Il en tira les os d’Oreste, et les transporta à Lacédémone. En cinquième lieu, il est faux que l’oracle eût dit que, pour faire translation, il fallait éloigner les vents, le frappeur, et le frappé avec la peste et la ruine des hommes. Hérodote, cité danse Supplément, ne dit point cela. En sixième lieu, il ne fallut pas éloigner toutes ces choses, afin de trouver le tombeau d’Oreste ; car il n’était pas sous la forge, mais dans une cour, où l’on avait voulu faire un puits. En septième lieu, la guerre ne cessa point dès que les os de ce prince eurent été inhumés à Lacédémone. Hérodote dit seulement que depuis cela les Lacédémoniens eurent l’avantage dans toutes les guerres qu’ils eurent avec les habitans de Tégée : Ἀπὸ τούτου τοῦ χρόνου ὅκως ἐπειρώατο ἀλλήλων, πολλῷ κατυπέρτεροι τῶ πολέμῳ ἐγίνοντο οἱ Λακεδαιμόνιοι. Quo ex tempore Lacedæmonii quoties cum Tegeatibus congressi sunt, superiores extitêre [4]. En huitième lieu, il n’est donc pas vrai que ceux-ci furent entièrement soumis aux Lacédémoniens, tout aussitôt que les os d’Oreste eurent été inhumés à Lacédémone. Et neuvièmement, enfin, Plutarque n’avait que faire d’être cité ; car il ne dit rien de ce que porte l’article.

  1. Herod., lib. I, cap LXVII.
  2. Pausan., lib. III, pag. 83.
  3. Il fallait dire Lychas, comme auparavant. [Les Jugemens sur quelques ouvrages nouveaux disent à leur tour qu’il fallait écrire Lichas.]
  4. Herod., lib. I, cap. LXVIII.

ANAXANDRIDE, poëte comique, natif de Camire (A), dans l’île de Rhodes, florissait environ la 101e. olympiade (B). Il fut le premier, selon Suidas, qui amena sur la scène les aventures d’amour, et les disgrâces qui arrivent aux filles quand elles se laissent ôter leur virginité [a]. Je croirais sans peine qu’on attendit jusqu’à la 100e. olympiade à introduire des rôles aussi difficiles à soutenir et à ménager, que le sont ceux de semblables filles sur le théâtre ; mais je ne saurais croire qu’on ait différé

  1. Πρῶτος ἔρωτας καὶ παρθένων ϕθοράς εἰσήγαγεν. Primus amores, et stupra virginum, introduxit in scenam. Suidas.