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ANCILLON.

(F) Il fut enterré sur le mont Ida. ] Eustathius rapporte cela [1] ; mais Pausanias est d’un tout autre sentiment. Il dit qu’Énée, allant en Sicile, relâcha dans la Laconie, et y bâtit deux villes, et qu’Anchise étant mort au pied d’une montagne d’Arcadie, y fut enterré ; ce qui fut cause que la montagne fut nommée Anchisia [2]. Pausanias ajoute qu’on voyait les débris d’un temple de Vénus auprès de ce sépulcre d’Anchise, et que les habitans de Troie ne montraient en aucun lieu le tombeau de ce vieillard. Étienne de Byzance veut qu’Anchise ait été enterré dans une ville de Thrace bâtie par Enée [3], ou plutôt il cite un vieux scoliaste, nommé Théon, qui avait débité cela. Tzetzès est du même sentiment, si ce n’est qu’il dit que cette ville était dans la Macédoine [4]. Virgile a conduit le bon homme jusques en Sicile ; c’est là qu’il le fait mourir ; c’est par-là qu’il conclut le long narré que son héros fit à Didon.

Hinc Drepani me portus et illætabilis ora
Accipit. Hìc pelagi tot tempestatibus actus,
Heu genitorem, omnis curæ casùsque levamen,
Amitto Anchisen. Hìc me, pater optime, fessum
Deseris, heu tantis nequicquam erepte periclis [5] !


Selon Servius, le tombeau d’Anchise était sur la montagne d’Éryce, proche de Drépanum [6]. J’ai nommé trois écrivains qui ont dit qu’Anchise mourut en Italie : Caton [7], Denys d’Halicarnasse [8] et Strabon [9] le rapportent.

(G) Il chargea son père sur ses épaules, et le mit en lieu de sûreté. ] Les paroles de Virgile sont assez belles pour mériter d’être rapportées.

Ergò age, care pater, cervici imponere nostræ ;
Ipse subibo humeris : nec me labor iste gravabit [10].
....................................
Hec fatus, latos humeros subjectaque colla
Veste super, fulvique insternor pelle leonis,
Succedoque oneri. Dextræ se parvus Iulus
Implicuit, sequiturque patrem non passibus æquis [11].
....................................
Nunc omnes terrent auræ : sonus excitat omnis
Suspensum, et pariter comitique onerique timentem [12].


Les poëtes ont fort célébré cette action : elle le méritait bien. Ils ont même dit que les flammes la respectèrent, et que, de peur de faire du mal à un fils qui avait une si grande tendresse pour son père, elles se fendirent afin de laisser un espace libre à Énée [13].

  1. Eustath., in Iliados lib. XII.
  2. Pausan., lib. VIII, pag. 247.
  3. Steph. Byzant., in Α ᾽ίνεια.
  4. Tzetzes in Lycophron.
  5. Virgil. Æneïd., lib. III, vs. 707.
  6. Servius, in Æneïd., lib. I, vs. 570.
  7. Apud Servium, ibidem.
  8. Antiquit., lib. I, cap. LXIV.
  9. Liv. V, pag. 158.
  10. Virgil. Æneïd., lib. II, vs. 707.
  11. Ibidem, vs. 721.
  12. Ibidem, vs. 728.
  13. Voyez-en les preuves dans le Commentaire de La Cerda sur cet endroit de Virgile.

ANCILLON (David), ministre de l’église réformée de Metz, sa patrie [a], naquit le 17 de mars 1617. Il étudia dès l’âge de neuf à dix ans au collége des jésuites, qui était alors le seul à Metz où l’on pût apprendre la belle littérature [b], et il donna d’abord tant de belles espérances, que les principaux de la société n’oublièrent rien pour lui faire goûter leur religion, et pour l’attacher à eux ; mais il leur résista vigoureusement, et prit dès lors la résolution d’étudier en théologie [c]. Il était infatigable au travail [d] ; et il fallut employer souvent l’autorité paternelle pour interrompre ses lectures : car il y avait de l’excès, et, si on peut le dire, de l’intempérance dans sa manière d’étudier [e]. Il alla à Genève, l’an 1633 [f], et y fit son cours de philosophie sous

  1. Discours sur la Vie de M. Ancillon, pag. 6.
  2. Là même, pag. 8.
  3. Là même, pag. 9.
  4. Là même, pag. 13.
  5. Là même, pag. 13 et 14.
  6. Là même, pag. 14.