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ANCILLON.

est un sermon qu’il prononça à Metz, dans un jour de jeûne. Son consistoire usa de quelque authorité sur luy, pour le luy arracher des mains, et le fit imprimer à Paris, en l’année 1676. Ce sermon fut fait sur les versets 18 et 19 du chapitre III de l’Épître de saint Paul aux Philippiens, et il a pour titre Les Larmes de saint Paul. Il a enfin une excellente Réponse à l’Avertissement Pastoral, aux Lettres circulaires, et aux Méthodes, que le Clergé addressa aux réformez de France en l’année 1682 ; mais il la tint cachée dans son cabinet, jusqu’à ce que des personnes de considération l’ayant obligé de la mettre au jour, il l’envoya à M. Turretin, professeur en théologie à Genève, qui estoit son ancien amy, avec liberté d’en disposer comme il le trouveroit à propos : mais la copie qu’il a envoyée a esté apparemment égarée : car on n’en a plus entendu parler. M. Ancillon avoit si peu d’empressement pour ses ouvrages, qu’il ne s’en est pas même informé. Cependant c’est de cette réponse, qu’on espéroit de voir, dont il est parlé dans la préface d’un livre solide et judicieux, qui a pour titre Examen des Méthodes, etc., dans l’endroit où il est dit qu’on verra paroître une Réponse faite par un habile homme de Metz [1] [* 1]. »

(F) Il était occupé uniquement des fonctions de son ministère. ] Ceux qui se consacrent à la charge de pasteur des âmes, ont besoin de tout leur temps pour étudier, pour travailler, et pour en remplir dignement les devoirs : et c’est sans doute pour cette raison que le sixième des Canons qu’on nomme Apostoliques porte qu’aucun évêque, prêtre, ou diacre, n’ayt à s’occuper des affaires séculières, ni à s’ingérer dans aucune charge publique ; et que le sixième des Canons d’Affrique défend aux personnes de ce caractère de prendre la charge des affaires ni des procès des autres. La perte du temps qu’on employe à ces occupations mondaines n’est pas le moindre des motifs de ces excellentes constitutions ; mais je ne croi pas qu’elles soient les seules considérations qui y ont donné lieu. L’expérience a fait voir que les intrigues du monde, le tracas des affaires, et l’ambition de faire sa cour auprès des grands, sont trois écueils qui leur ont tousjours esté, et qui leur seront toujours funestes. Ils quittent insensiblement cette simplicité apostolique, qui doit être un de leurs principaux ornemens. Ils apprennent les maximes du siècle : ils s’accoutument à ses subtilitez, à ses souplesses, et à ses artifices ; et ils les pratiquent ensuite insensiblement eux-mêmes [2]. Le ministre, dont je parle, évita tous ces écueils : il aima l’étude, le repos, la retraite ; il ne s’embarrassa point du tracas du monde [3]. Il fut établi, par les loix du païs, et malgré lui, tuteur de son frère et de sa sœur ; mais il laissa l’administration des biens et des affaires à son frère, qui estoit des-jà, quoique mineur, un très-habile homme..... de sorte que la tutelle estant finie par la majorité des pupilles, le mineur rendit compte à son tuteur, et le tuteur ensuite le rendit, pour la formalité seulement, à ses mineurs, de la mesme manière qu’on le luy avoit rendu ; tout au contraire de ce qui est d’usage ordinaire, naturel et commun. Il ne se mêloit absolument, et à la lettre, d’aucune affaire du monde. Comme un véritable anachorète, il estoit hors du commerce des hommes, et ne songeoit qu’à Dieu et à son Église [4]. Il avoit une bibliothéque très-curieuse et très-grande..... On estoit sûr de l’y trouver tousjours..…. [5]. Il ne sortoit de son logis que pour aller au temple, ou pour aller faire ailleurs quelques fonctions de sa charge. Il ne quittoit ses livres que pour cela ; et, comme si les jours n’eussent point esté assez longs, il passoit une partie des nuits dans la méditation, ou dans l’étude. Quoy qu’il eut plusieurs maisons de campagne, et qu’on luy en eut achepté aux environs de la ville, et fort près, afin de l’engager plus facilement à y aller passer quelques jours, ou au

  1. * Joly reproche à Bayle de passer sous silence une pièce de dix vers latins que Ancillon le fils a cependant mentionnée, et qui est sur la mort de M. Battier, professeur en droit à Bâle.
  1. Discours sur la Vie de M. Ancillon, pag. 258.
  2. Là même, pag. 95, 96.
  3. Là même, pag. 100.
  4. Là même, pag. 102.
  5. Là même, pag. 103.