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ANDRÉ.

même celle des jésuites, ce qui est remarquable, parce qu’il a écrit en leur faveur. À la fin on me l’a déterré dans la Bibliothéque de Sorbonne. M. l’abbé Pirot, personne de mérite s’il y en a aujourd’hui en France ni ailleurs, et l’un des plus capables et des plus illustres sujets de cette maison, qui ne connaissait cet auteur non plus que moi, s’est donné la peine de le lire à ma prière.... Cet écrivain a du mérite, et n’est pas un scolastique sec et décharné, comme sont tant d’autres : on lui trouve partout de l’esprit, de l’élégance et de la vivacité, fort au-dessus du commun ; et il répond en un mot à la réputation qu’il avait dans le Concile de Trente. » Il est étonnant qu’un livre, si peu connu aux plus grands libraires, et aux plus nombreuses bibliothéques, ait été cité par cent auteurs qui n’avaient guère de livres : cela, dis-je, est étonnant pour ceux qui ne savent pas que l’examen du Concile de Trente par Chemnitius est un livre fort commun, et qu’on y trouve de quoi citer à perte de vue le docteur Andradius. Cent autres auteurs ont parlé aussi fortement que lui pour le moins sur cette matière, comme la Mothe-le-Vayer le montre dans l’un de ses livres [1]. D’où viendrait donc qu’ils n’auraient pas été cités aussi souvent qu’Andradius, quand il s’est agi d’excuser Zuingle par voie de récrimination, ou de reprocher aux papistes qu’ils ont penché vers les hérésies de Pélage ? d’où est-ce, dis-je, que cela viendrait, si j’avais mal indiqué la cause des fréquentes citations d’Andradius ?

(D) La Bibliothéque des écrivains espagnols ne parle point de tous ses ouvrages. ] On n’y trouve point le livre qu’il composa sur l’autorité du pape pendant la tenue du concile, l’an 1562 [2]. Les légats du pape, très-contens de cet écrit, l’envoyèrent au cardinal Borromée. La cour de Rome en fut extrêmement satisfaite : le pape fit remercier l’auteur très-obligeamment. Je crois que cet ouvrage n’est point différent de celui de Conciliorum autoritate, dont Palavicin a cité le 1er. livre [3].

(E) On a donné bien des louanges à Andradius. ] On a déjà vu le jugement que M. Pellisson a fait de lui. Osorius, dans la préface qu’il a mise au-devant des explications orthodoxes d’Andradius, lui donne beaucoup d’esprit, une ardente application, l’intelligence des langues, le zèle et l’éloquence d’un bon prédicateur. Voici ce que Rosweide en a dit : Ad Concilium Tridentinun et profundissimi theologi mentem, et linguam eloquentissimi oratoris attulit [4].

  1. À la fin de son Traité de la vertu des Païens.
  2. Palavic., lib. XIX, cap. XVI, num. 7.
  3. Idem, lib. XXIV, cap. X, num. 17.
  4. In Lege Talionis Casaubono retaliatâ, apud Nicol. Antonium, tom. I, pag. 236.

ANDRÉ (Jean) [* 1], fameux canoniste du XIVe. siècle, était fils d’un prêtre (A), et naquit à Mugello, auprès de Florence. Il était encore fort jeune lorsqu’il alla à Bologne pour y étudier [a]. Il aurait eu de la peine à vivre, s’il n’y eût rencontré une place de précepteur [* 2] ; mais avec le secours que cet emploi lui procura, il fut en état de s’appliquer tout à son aise à l’étude du droit canonique, en quoi il fit de très-grands progrès sous le professeur Gui de Baïf [b]. Il eut toujours un respect particulier pour la personne et pour les gloses de ce professeur ; car il n’avait pas moins de déférence pour ces gloses, que pour le texte. Il lui avait une obligation qui

  1. * Joly prouve qu’il fallait appeler ce personnage, Jean, fils d’André, et non Jean André.
  2. * Leclerc remarque que Pancirole a réfuté Volaterran sur ce point.
  1. Bononiam admodùm adolescens venit, ubi ob paupertatem pædagogum gessit, Scarpectam filium Mainardi Ubaldini erudiendo. Volaterr., lib. XXI.
  2. Il est plus connu sous le nom d’Archidiaconus, qui était celui de la dignité ecclésiastique qu’il possédait à Bologne. Doujatius, Prænotion, Canonicar. pag. 602.