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ANDRÉ.

est ordinairement plus sensible que celle de l’instruction. Gui de Baïf, s’étant aperçu que, faute d’argent, il n’osait demander le doctorat, le poussa à le demander, et le lui fit obtenir gratis. C’est André lui-même qui fait cette confession [a]. Le même Gui l’encouragea à demander le professorat, ce qui eut tout le succès que l’on s’en pouvait promettre. On trouve que notre André était professeur à Padoue, environ l’an 1330, et qu’il l’a été aussi à Pise ; mais il fut rappelé à Bologne [b], et c’est là qu’il acquit le plus de réputation. On dit des merveilles de l’austérité de sa vie (B) : il macérait son corps par oraisons et par jeûnes, et il coucha sur la dure, toutes les nuits, pendant vingt ans, enveloppé d’une peau d’ours [c]. Il disait qu’il avait obtenu plusieurs choses par ses prières [d]. Il avait épousé une femme nommée Milantia, dont il fait mention dans ses écrits : il avoue qu’il avait appris d’elle beaucoup de choses, et entre autres, que si les noms se vendaient, les pères et les mères en devraient acheter de beaux pour les donner à leurs enfans [e]. J’ai oublié de dire que sa mère s’appelait Novella, et qu’il eut une fille qui porta le même nom, et qui fut si docte, qu’il l’envoyait faire leçon en sa place (C), quand il n’avait pas le temps de monter en chaire. C’est pour l’amour de sa mère, et de cette fille, qu’il intitula Novellæ son Commentaire sur les Décrétales de Grégoire IX [f]. Il eut un fils naturel, nommé Banicontius [* 1], qui publia quelques livres (D) ; et l’on dit que l’ayant perdu, il adopta Jean Calderin, savant canoniste, et qu’il lui fit épouser sa fille Novella (E). Il avait une autre fille, qu’il maria à Jean de Saint-George, célèbre professeur en droit canonique à Bologne. Elle s’appelait Betine, et mourut en 1355 [g], à Padoue, où son mari avait été appelé pour une semblable profession. Jean André mourut de peste, à Bologne, l’an 1348, après quarante-cinq ans de profession, et fut enterré dans l’église des Dominicains. Il avait écrit plusieurs livres (F) : on lui a donné de pompeux éloges (G) ; mais on l’accuse aussi d’avoir été un insigne plagiaire (H). Quelques-uns disent que la petitesse excessive de sa taille fit bien rire les cardinaux (I) dans l’audience que Boniface VIII lui donna en plein consistoire. Il avait, dit-on, prédit sa mort un an avant qu’il mourût [h].

  1. * Quelques-uns (entreautres Cave) l’appellent Bonicontus, d’autres Bonicontius, ainsi que le remarque Joly.
  1. In prim. Sexti Decretal. apud Doujat. Prænot. Canon., pag. 603.
  2. Panzirol. de claris Legum Interpret., lib. III, cap. XIX.
  3. Volater, lib. XXI, pag. 781.
  4. Apud Panzirol. de clar. Leg. Interpret., lib. III, cap. XIX.
  5. In Cap. cùm secundum, Extravag. de Præbend.
  6. Panzirol. de clar. Legum Interpretibus, lib. III, cap. XIX.
  7. Panzirole rapporte son épitaphe dans son IIIe. livre, chap. XIX, de clar. Leg. Interpret.
  8. Panzirol., ibid.

(A) Il était fils d’un prêtre. ] Tous les auteurs conviennent que le père de Jean André a été prêtre ; mais non pas qu’il le fut lorsqu’il procréa cet enfant : Patrem constat presbyterum