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DELPHINUS.

j’ai allégué dans la remarque (AA) de l’article Charles-Quint, on se persuadera que cette clémence d’Auguste était mélée d’une fine politique.

(E) Le Dellius de la IIIe. ode..... d’Horace est le même que celui dont Plutarque a fait mention. ] C’est le sentiment de M. Dacier. Ce qu’il ajoute ne me paraît pas à tous égards si vraisemblable. Il y a de l’apparence, dit-il [1], qu’il eut quelque part aux faveurs qu’il faisait semblant de ménager pour son maître, et qu’il reçut de Cléopâtre le même plaisir qu’il faisait à Antoine ; car Sénèque parle de quelques lettres fort libres qu’il avait écrites à cette princesse. Ce passage contient deux faits principaux ; l’un que Dellius s’employait auprès de Cléopâtre pour la porter à être sensible à l’amour de Marc Antoine ; l’autre, qu’il travaillait pour soi-même en même temps et avec quelque succès. Le premier fait n’a pas beaucoup d’apparence, Marc Antoine n’avait nul besoin de solliciteur. Cléopâtre s’en alla vers lui comme vers son juge ; et toute la bonne opinion qu’elle avait de sa beauté et de son esprit, ne l’empêcha pas de former de nouvelles espérances sur ce que Dellius lui apprit de l’humeur de Marc Antoine : elle s’ajusta le plus avantageusement qu’il lui fut possible ; elle se mit sour les armes Le jour de la première entrevue, et n’oublia rien pour en faire son soupirant, et n’eut aucune peine à y réussir : de sorte qu’un tiers leur était en tout temps aussi inutile, qu’il leur eût été incommode en quelques rencontres. Quant au second fait, j’y trouve beaucoup d’apparence ; et, après tout, je ne doute point que si Dellius eût joué le personnage de solliciteur pour son maître, il n’eût fait ce que font presque toujours ses semblables en pareil cas ; il se serait payé par ses propres mains ; et, s’il n’eût pas imité ceux que l’on emploie à une emplette de vin, qui le goûtent les premiers, il eût imité, pour le moins, les domestiques du second rang, qui mangent ce qu’on lève de la table de leur maître.

(F) Nous mettrons ensemble... quelques fautes que nous avons recueillies. ] André Schot assure que Dion a donné à Dellius le titre d’historien, et que Plutarque l’a compté parmi les flatteurs de Cléopâtre. Qui Δέλλιος ὁ ἱςορικὸς Dioni, lib. L, et Plutarcho in Antonio, inter Cleopatræ adulatores numeratur [2]. Ces deux faits sont faux. Les paroles de Plutarque n’ont pas été bien entendues par André Schot ; il a rapporté le relatif ὧν à κόλακες, et il fallait le rapporter à ϕίλων. La suite du discours le montre manifestement. Voyez la peine que donnent les langues dont la grammaire n’est pas aussi rigoureuse que celle de la française. Je mets en note les paroles qu’André Schot cite, et j’y ajoute la version latine [3]. On y verra que tant s’en faut que Plutarque mette Dellius entre les flatteurs de Cléopâtre, il dit que les flatteurs de cette reine le chassèrent. Lipse, ayant cité les paroles de Plutarque, ajoute : eadem Dio, quinquagesimo libro [4]. Mais il est faux que Dion dise les mêmes choses : il ne parle point des flatteurs de Cléopâtre ; il ne dit point que Dellius fût historien, ni pourquoi Dellius se retira.

  1. Remarques sur la IIIe. ode du IIe. livre d’Horace.
  2. Schot., in Senecæ Suasor. I, num. 39, pag. m. 19.
  3. Πολλοὺς δὲ τῶν ἄλλων ϕίλων οἱ Κλεοπάτρας κόλακες ἐξέβαλον, τὰς παροινίας καὶ βωμολοχίας οὐχ ὑπομένοντας, ὧν καὶ Μάρκος ἦν Σίλανος καὶ Δέλλιος ὁ ἱςορικός. Complures alios illius amicos expulêre Cleopatræ adulatores, quòd contumelias et procacitatem eorum non sustinerent : in quibus M. Syllanus fuit, et Dellius historicus. Plutarch., in Antonio, pag. 943.
  4. Lipsius, in Tacit. Annal., lib. I.

DELPHINUS (Pierre), général de l’ordre de Camaldoli, au commencement du XVIe. siècle. On a des lettres de lui, qui furent écrites avant son généralat, dans le temps qui s’écoula depuis l’an 1462, jusqu’à l’an 1480 [a]. On en a retranché, en les imprimant [* 1], un endroit curieux

  1. * L’édition est de 1524, et en 12 livres. Ce livre est extrêmement rare. Martène et Durand ont imprimé 241 lettres inédites de Delphinus, dans le tome V de leur Veterum
  1. Mabillon, Musæ Italic., tom. I, pag. 202.