Page:Bayle - Dictionnaire historique et critique, 1820, T06.djvu/512

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
502
FONTEVRAUD.

me intitulé, il Floridoro, et d’un autre poëme italien sur la passion et sur la résurrection de Jésus-Christ. Outre ces poëmes et divers autres, elle publia en prose un livre de’ Meriti delle donne, où elle soutient que le sexe féminin n’est point inférieur au sexe masculin. J’ai tiré cela d’un livre intitulé : le Cose notabili et maravigliose della città di Venetia, gia riformate ed accommodate da Leonico Goldioni, ed hora grandemente ampliate da Zuanne Zittio. Voyez-y la page 311 de l’édition de Venise 1655. J’ai été surpris qu’on n’y marque point l’année de la naissance et l’année de la mort de cette dame, ni aucune autre circonstance de sa vie ; mais j’ai trouvé ailleurs de quoi suppléer cela (A). Voyez la remarque. M. Moréri, sous le mot Puy, a rapporté quelque chose touchant cette illustre femme.

(A) On ne marque... aucune circonstance de sa vie dans le Cose notabili... di Venetia. J’ai trouvé ailleurs de quoi suppléer cela. ] Le père Hilarion de Coste m’apprend que cette dame [1] naquit à Venise l’an 1555 ; qu’elle perdit son père et sa mère la première année de sa naissance ; qu’elle fut mise en ses jeunes ans au monastère des religieuses de Sainte-Marthe, de Venise ; qu’elle apprit avec une grande facilité la poésie et la langue latine ; qu’elle avait une mémoire si heureuse, qu’ayant entendu un sermon elle le redisait mot pour mot ; que son livre du Mérite des femmes fut mis en lumière incontinent après son décès ; qu’elle fut honorablement mariée à Philippe de Georgiis, et qu’elle vécut vingt ans avec lui en grande union, après quoi elle mourut en couche le 1er. de novembre 1592 ; que son mari lui fit dresser un monument sur lequel est gravée cette épitaphe : « Modestæ à Puteo fœminæ doctissimæ, quæ varios virtutis pers Moderatæ Fontis nomine rhytmis Etruscis (quibus memoranda cecinit) et sermone continuo feliciter enixa, naturæ partum dum ederet, puellæ vitam, sibi verò mortem (proh dolor) ascivit. Philippus de Georgiis Petri in officio super acquis, pro sereniss. Do. publici jura defendens, amantissimæ conjugi P. Obiit anno Domini 1592 kal. novemb. » Que Jean Nicolas Doglioni a écrit en italien, l’an 1593, la vie de cette dame ; que le révérend père Pierre-Paul Ribéra a fait un Éloge de cette savante héroïne, dans son Théâtre des femmes savantes ; et que N. di Zorzi sa fille, a fait une préface à ses ouvrages [2].

  1. Il la nomme Modesta Pozzo di Zorzi.
  2. Tiré d’Hilarion de Coste, Éloges des Dames illustr., tom. II, pag. 717 et suiv.

FONTEVRAUD ou plutôt FRONTEVAUX (A), abbaye célèbre du diocèse de Poitiers et de la province d’Anjou, reconnaît pour son fondateur Robert d’Arbrissel. Nous avons promis de parler ici de ce personnage, et nous allons nous acquitter de cette promesse. Il naquit environ l’an 1047 dans le village d’Arbrissel [a], à sept lieues de Rennes. Il alla à Paris l’an 1074, et y fut promu au doctorat en théologie. Un évêque de Rennes, qui ne sachant rien ne laissait pas d’aimer les savans (B), et de leur donner de l’emploi, le fit revenir en Bretagne environ l’an 1085, et lui conféra la dignité d’archiprêtre et celle d’official, et eut la joie de le voir combattre contre les désordres qui désolaient son diocèse. Les querelles, la simonie, le concubinage des ecclésiastiques, y faisaient d’étranges ravages. Après avoir

  1. On le nomme présentement Arbresec.