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FONTE.

sance d’Alexandre. Le goût de Plutarque est ici fort différent de celui de Cicéron. Concinnè ut multa Timæus, qui cùm in historiâ dixisset, quâ nocte natus Alexander esset eâdem Dianæ Ephesiæ templum deflagravisse, adjunxit, minimè id esse mirandum quod Diana, cùm in partu Olympiadis adesse voluisset, abfuis set domo [1].

(D) Louis XIII et Richelieu furent extrêmement en colère contre ceux qu’ils prirent pour la cause de cette disgrâce. ] Le duc de la Valette, fils aîné du duc d’Épernon, passa pour le principal auteur de ce grand désavantage. Il n’osa point se remettre prisonnier pendant que l’on examinerait s’il était coupable ; il se sauva en Angleterre. Le conseil d’état le déclara convaincu du crime de lèse-majesté, pour avoir lâchement et perfidement abandonné le service du roi, au siége de Fontarabie, et de félonie pour être sorti du royaume contre les ordres de sa majesté, et pour cela condamné à avoir la tête tranchée en Grève, s’il pouvait être pris, ou en effigie si on ne le pouvait prendre, à perdre toutes ses charges, et à avoir ses biens confisqués [2]. Je remarque que le roi le déclara innocent par rapport à la lâcheté : Il ne s’agit point, dit-il [3], ni de la lâcheté, ni de la malhabileté du duc de la Valette, puisque je sais qu’il ne manque ni de bravoure, ni de capacité ; mais il n’a pas voulu prendre Fontarabie. Tout le monde n’en jugeait pas comme Louis XIII. Voyez cet endroit du Ménagiana [4]. « Du temps que M. d’Épernon se retira en Angleterre, accusé d’avoir fui dans un combat, M. Peiresc écrivit au grand Bignon, et lui demanda si on pouvait être condamné à mort pour avoir manqué de courage. M. Bignon lui fit réponse, qu’il n’y avait point de loi sur laquelle on se pût fonder pour le faire. Les lois, tout au plus, ne condamnent à mort que le premier qui fuit, pour servir d’exemple. » M. Ménage n’a pas été bien servi en cet endroit par sa mémoire, quelque bonne qu’elle fût ; car M. Peiresc mourut [5] quinze mois avant la déroute de Fontarabie, plus ou moins ; et il est sûr que le duc de la Valette ne se retira en Angleterre qu’au sujet de cette déroute. Au fond, ce que disait le roi est plus apparent, et ce ne serait pas la seule rencontre où la haine que l’on avait pour le cardinal aurait fait perdre des batailles à ce monarque. Il n’y avait point d’attentat dont les ennemis de cette éminence ne se servissent. Ils souhaitaient des victoires aux Espagnols, et leur en procuraient quelquefois, dans la seule vue de ruiner le cardinal, qui n’eût pu se soutenir sans les grands succès des armes du roi. Mais voici un autre désordre. Ses créatures ont quelquefois perdu des batailles par complaisance pour lui. On a du moins soupçonné le maréchal de Grammont de s’être fait battre à Honnecour, afin de lui procurer un grand avantage [6]. Le cardinal s’était retiré de la cour, que pouvait-on faire de plus à propos pour son service que de mettre les affaires du royaume en mauvais état ? N’était-ce pas le moyen de faire dire que dès qu’il quittait le timon tout allait mal ? N’était-ce point aussi le moyen de le faire rappeler, afin qu’il remédiât aux désordres survenus pendant son absence ? Voilà comment le bonheur des peuples, et la gloire des princes sont sacrifiés aux intérêts d’un ministre.

  1. Cicero, de Naturâ Deorum, lib. II, cap. XXVII.
  2. Histoire du cardinal de Richelieu, imprimée à Amsterdam, 1694, tom. II, pag. 364, 365.
  3. Là même, pag. 364.
  4. Pag. 259 de la première édition de Hollande.
  5. Le 24 de juin 1637. Voyez Gassendi, en sa Vie, pag. m. 347, 349.
  6. Quand on lit les Mém. de Puységur, à l’endroit où est décrite la bataille d’Honnecour (c’est pag. m. 234 et suiv.), on ne peut s’empêcher de croire que le maréchal de Grammont avait ordre de se laisser battre.

FONTE (Modérata). C’est sous ce nom-là qu’une dame vénitienne a publié ses ouvrages : son vrai nom était Modesta Pozzo [a]. Elle est auteur d’un poë-

  1. Elle conserva le sens de ce nom sous le mot de Fonte, qui répond à Pozzo. et sous celui de Moderata, qui répond à Modesta.